vendredi , 19 avril 2024

Danser dans la mosquée

Auteure: Homeira Qaderi

Editeur: Julliard – 1er septembre 2022 (256 pages)

Lu en septembre 2022

Mon avis: Herat, Afghanistan, 1980. Homeira naît dans une famille aimante, cultivée et relativement libérale. Mais la vie, ou la survie, est difficile. L’occupation soviétique, puis la guerre civile, puis la première prise de pouvoir des talibans n’ont fait que brider de plus en plus cruellement les libertés, en particulier celles des femmes et des jeunes filles, asphyxiées sous d’épaisses burkas, interdites de presque tout, et surtout d’aller à l’école et de travailler hors de la maison. C’est dans ce contexte de plus en plus obscurantiste et mortifère qu’Homeira grandit, en révolte contre cette injustice et les privilèges des hommes. Incapable de se résoudre à la cuisine ou à la couture, elle ira, à peine adolescente, jusqu’à créer une école clandestine dans une mosquée et à mettre sur pied un atelier d’écriture tout aussi clandestin, risquant sa vie à chaque fois qu’elle quitte la maison familiale.
A 17 ans, elle accepte, pour préserver l’honneur de sa famille, d’épouser un inconnu. Dans son malheur, la chance sourit cependant à la jeune femme : son mari l’emmène vivre à Téhéran, où elle découvre un monde de libertés inimaginables pour elle, dans lequel les femmes ont même le droit de conduire des voitures. Elle entreprend des études, obtient brillamment son diplôme, travaille, écrit des livres. Au bout de quelques années, elle donne naissance à un fils. La vie est presque belle, jusqu’au jour où son mari décide de rentrer en Afghanistan. A cette époque (années 2010), le pays est relativement ouvert et tolérant envers les femmes, mais pas au point d’empêcher le mari d’Homeira d’épouser une deuxième femme. Elle s’y oppose, se révolte, mais son mari lui impose alors le divorce, et la séparation d’avec son fils. Désespérée, Homeira s’exile aux USA, mais reviendra quelques années plus tard en Afghanistan pour tenter de récupérer son fils. Avant que la donne change une nouvelle fois, avec le retour des talibans en août 2021.

Je mets cinq étoiles à ce livre dans l’espoir dérisoire d’attirer l’attention sur lui, sur son auteure, ses combats pour les libertés et l’égalité hommes-femmes, dans un pays désormais à nouveau sous le joug d’un des régime les plus cruels et les plus arriérés de la planète. Parce que le peuple afghan (et d’autres avant et ailleurs) a été abandonné lâchement par la communauté internationale, parce que les filles et les femmes afghanes sont des mortes-vivantes en sursis dont le taux de suicide est très élevé, parce que cette situation me crève le cœur, me révolte et me fait honte, et que je ne sais pas quoi faire à mon petit niveau, parce que j’ai pas le millième du courage d’Homeira Qaderi.
Parce que pour les Afghans, lire un livre autre que le Coran est un crime puni de mort, et que je peux lire, moi, bien tranquille dans mon salon ou dans le tram, je tiens à vous en parler et vous inciter à faire de même, pour ne pas oublier les femmes afghanes, ni que la liberté est une lutte de chaque instant, même dans nos petits pays confortables.

En partenariat avec les Editions Julliard via Netgalley.

#Danserdanslamosquée #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Homeira naît en 1980 à Hérat, en Afghanistan, dans une maison où se côtoient trois générations qui tentent de survivre tour à tour à l’occupation soviétique, à la guerre civile puis à la première prise de pouvoir des talibans. Au sein de ce foyer aimant, l’enfant chérit les livres et la liberté, se révolte contre les privilèges accordés à la gent masculine et les interdits visant les filles. Adolescente, elle ira jusqu’à animer une école clandestine dans une mosquée.
Mais plus Homeira grandit, plus la vie s’assombrit. Elle accepte le mariage avec un inconnu, puis finit par fuir son pays. Elle fera alors de sa vie un combat pour l’instruction et pour le droit des femmes.
À travers son histoire singulière, l’autrice dresse le portrait d’un peuple qui vit sous la férule des talibans. Danser dans la mosquée est aussi une adresse à son fils. Par les lettres qu’elle lui écrit, elle dessine l’espoir de retrouvailles dans un pays délivré de l’obscurantisme.

Quelques citations:

– L’Afghanistan est le pays des balles invisibles et de la mort annoncée, le pays des destins brisés et d’une jeunesse malheureuse, sans espoir, en quête de rêves qui ne se réaliseront jamais. Voilà que […] ma mère […] et ma grand-mère […] me disaient de mon pays natal quand j’avais quatre ans à peine [càd en 1984].

– [Au cours de l’invasion soviétique de l’Afghanistan]
Pendant les cessez-le-feu, nous allions ramasser des pommes de pin ou courir entre les tanks et jouer à cache-cache avec les garçons. Souvent, quand ils étaient introuvables, les soldats russes m’indiquaient leur cachette du haut de leurs tourelles. Je me souviens que chaque fois que je trouvais un garçon, ils applaudissaient en criant, le visage rouge comme une tomate tellement ils riaient. J’ai compris pourquoi l’armée soviétique s’appelait l’ « Armée rouge ».

Evaluation :

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