jeudi , 25 juillet 2024

Texte-à-moi #7: Identité multiple

Je suis fille. Elle est là pour moi depuis toujours, à jouer son rôle de mère, à me nourrir, me loger, me blanchir, m’élever, me faire grandir, même si je n’en ai pas envie.
Infaillible quand je suis vulnérable, elle est réconfort quand j’ai peur, mal, chaud ou froid.
Ce jour-là, c’était sa facette consolante qu’elle avait fait reluire. Elle voulait me convaincre, comme quand j’avais quinze ans, que de toute façon ce type ne me méritait pas, qu’il était forcément le dernier des crétins s’il n’avait pas compris que j’étais belle et intelligente ; que tout irait bien, que ça passerait, etc etc, tout un blabla maternel que j’avais envie d’entendre même si je n’y croyais pas, parce que tant que ce doux ronronnement durerait, il ne pourrait rien m’arriver.

 

Je ne suis plus fille.
Depuis ce jour où elle a oublié mon prénom.
Depuis ce jour où je me suis retrouvée dans un couloir d’hôpital, à l’attraper le plus doucement possible par les poignets pour la raisonner et la convaincre, sans élever la voix, d’attendre encore un peu, que le médecin allait bientôt arriver, et qu’on pourrait ensuite rentrer à la maison.
Depuis ce jour où je me suis retrouvée dans un couloir de maison de repos, à te pousser si maladroitement dans ton fauteuil roulant qu’on a heurté le mur, et que le bruit et le choc t’ont fait si peur que tu t’es mise à crier et à pleurer.
A ce moment, il m’a fallu trouver les armes pour calmer notre désarroi à toutes les deux. Je n’avais que mes bras pour entourer tes épaules, et tes propres mots dans ma bouche pour te dire de ne pas avoir peur, que tout irait bien, que ça passerait, qu’il ne t’arriverait rien.

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4 commentaires

  1. Texte très touchant…

  2. Quelle émotion dans ce texte. Merci.