Auteur: Xinran
Editeur: Picquier Poche – 2005 (190 pages)
Lu en mai 2013
Mon avis: Les funérailles célestes sont un rite funéraire tibétain, qui consiste à démembrer un cadavre et à le laisser ainsi exposé à l’air libre pour que les vautours, oiseaux sacrés, puissent s’en nourrir. Ce rituel symbolise l’harmonie entre le ciel et la terre, entre la nature et l’homme. En voie de disparition, les funérailles célestes sont pratiquées sur les hauts plateaux de l’Himalaya, là où le sol est trop dur ou trop rocailleux pour qu’on puisse le creuser et y enterrer les morts.
Ce rite sacré illustre également les éternelles incompréhensions (doux euphémisme) entre Tibétains et Chinois, ceux-ci considérant ceux-là comme des barbares sous-développés.
Et pourtant, certains, initialement contraints et forcés, sont allés au-delà de ces malentendus. C’est le cas de Shu Wen, dont l’histoire, extraordinaire mais vraie, nous est contée ici.
C’est l’histoire d’un amour inouï, plus fort que tout, entre Wen et Kejun, dans la Chine de 1956. Wen et Kejun viennent de se marier, ils sont tous deux médecins et baignés par l’euphorie des débuts du communisme, encore naïf et idéaliste. Enfin, pas tant que ça, et pas pour tout le monde : sous prétexte d’y apporter la « bonne nouvelle » rouge, la Chine envahit le Tibet. Si les Tibétains ont très vite compris qu’il s’agit bien d’une colonisation opprimante, les soldats chinois, eux, sont sincèrement convaincus de venir en aide et de « libérer » des populations pauvres et ignorantes (propagande propagande…)
C’est ainsi que Kejun se porte volontaire pour le Tibet. Trois mois plus tard, Wen apprend sa mort. Elle n’y croit pas, et décide de partir sur place pour comprendre ce qui est arrivé à son mari. Commence alors un long périple éprouvant, dangereux, vers un pays qu’elle n’imagine même pas. Une fois au Tibet, Wen perdra très vite le contact avec l’armée chinoise. Elle sera sauvée par une famille de nomades tibétains, avec lesquels elle vivra des années au rythme des transhumances, sous un climat hostile et dans un environnement désertique et isolé par les barrières montagneuses infranchissables, « où il n’y avait ni politique, ni guerre, seulement l’auto-suffisance tranquille d’une vie communautaire où l’on partageait tout – et un espace illimité où le temps s’étendait indéfiniment ». Très lentement, Wen s’intégrera à la famille, apprenant leur langue, adoptant leur rythme et leurs coutumes. Ce voyage de plus de trente ans conduira Wen au bout d’elle-même, de la souffrance et de la solitude, aux confins de la folie parfois. La spiritualité tibétaine sera son réconfort, et elle finira par découvrir la vérité sur la disparition de son bien-aimé.
A la fin de sa quête, après avoir vécu tant d’années dans l’ignorance des évolutions et révolutions politiques, elle rentrera en Chine, où elle ne retrouvera rien de son passé.
Cette histoire d’amour par-delà la mort est bouleversante, particulièrement poignante dans les passages relatant la rencontre de Wen avec la narratrice (Xinran elle-même). Elle est surprenante aussi, tellement l’isolement dans lequel Wen a vécu paraît incroyable, et également par la naïveté des croyances des uns et des autres. L’auteur elle-même, apparemment très marquée par sa rencontre avec Wen qui lui a ouvert les yeux sur un monde mystérieux, semble bien angélique avec son plaidoyer pour la tolérance, d’autant plus facile à défendre qu’on se trouve (volontairement ou pas) du côté du « grand frère chinois bienveillant mais néanmoins colonisateur et meurtrier ».
La postface de Claude B. Levenson (dans l’édition Picquier poche) remet d’ailleurs les choses en perspective à ce sujet, ce qui casse un peu l’ambiance romantico-lyrique du récit de Xinran, mais d’après moi, cette dose de réalisme et de recul est utile. Mais ceci est un autre débat…
Et à l’heure qu’il est, peut-être que Wen est toujours en vie. Je me demande si, enfin, elle a trouvé la sérénité…
Présentation par l’éditeur:
Funérailles célestes est une histoire vraie d’amour et de perte, de loyauté et de fidélité au-delà de la mort. Xinran dresse le portrait exceptionnel d’une femme et d’une terre, le Tibet, toutes les deux à la merci du destin et de la politique. En 1956, Wen et Kejun sont de jeunes étudiants en médecine, remplis de l’espoir des premières années du communisme en Chine. Par idéal, Kej un s’enrôle dans l’armée comme médecin. Peu après, Wen apprend la mort de son mari sur les plateaux tibétains. Refusant de croire à cette nouvelle, elle part à sa recherche et découvre un paysage auquel rien ne l’a préparée, le silence, l’altitude, le vide sont terrifiants. Recueillie par une famille tibétaine, elle apprend à respecter leurs coutumes et leur culture. Après trente années d’errance, son opiniâtreté lui permet de découvrir ce qui est arrivé à son mari… Quand Wen retourne finalement en Chine, elle retrouve un pays profondément changé par la Révolution culturelle. Mais elle aussi a changé: en Chine, elle avait toujours été poussée par le matérialisme; au Tibet, elle a découvert la spiritualité.
Magnifique ! Je l’inscris dans ma PAL. Merci
merci aussi 😉
J’aimerais bien le lire, mais jamais je n’aurai le temps ;-))
il faut prendre le temps, en sirotant un thé vert de Chine, par exemple 😉
Waouh ! Il a l’air passionnant. Je me le note aussi.