lundi , 9 décembre 2024

Globalia

Auteur: Jean-Christophe Rufin

Editeur: Folio – 2005 (512 pages)

Lu en 2012

globaliaMon avis: Imaginez (dans quelques siècles ?) un monde où il n’y a plus d’Etats, mais seulement une société unique, civilisée, enfermée sous d’immenses cloches de verre protégeant de la pollution et du Grand Ennemi. En dehors de ces bulles, ce sont les non-zones, qui font figure de taudis moyenâgeux dans un paysage post-apocalyptique façon « La Route » de Cormac McCarthy.
Imaginez (dans quelques décennies ?) une société mondialisée, démocratie auto-proclamée, dont la devise serait « Liberté, sécurité, prospérité ». Où la « liberté » est telle qu’on est libre d’être obèse si ça nous chante, mais où les cartes géographiques et les livres ont disparu, et où la liberté des médias est une vaste blague (façon Berlusconi). Où la seule culture est celle de l’ignorance. Où la « sécurité » est devenue « sécuritarisme » paranoïaque et où la cohésion sociale n’est maintenue que grâce à la peur d’un « Ennemi » désigné voire créé de toutes pièces par la Protection Sociale (façon G.W. Bush). Où la « prospérité » se traduit par un hyper consumérisme renforcé par l’obsolescence programmée, par des trafics douteux avec ceux qui règnent sur les non-zones (façon mafia russe), par un contrôle de la démographie où les femmes enceintes sont mises à l’index (façon chinoise), où la jeunesse est une tare et où il faut « vivre vieux et mourir jeune ».
Imaginez (dans quelques années ?) des couloirs aspirants, des vêtements thermoréglables, des canons à beau temps, des aliments synthétiques et des déplacements Los Angeles – Shanghai instantanés.
Imaginez…Ca y est, vous visualisez ? Vous êtes en Globalia, monde idéal qui évoque furieusement les Etats-Unis.
Idéale, cette société aseptisée, sans âme et sans espaces ? Baïkal n’est pas de cet avis. Rebelle, ce jeune homme rêve de s’échapper pour découvrir les non-zones. Parvenu à ses fins en étant manipulé à son insu par la Protection Sociale, il fera connaissance avec les populations locales et se verra contraint à mener la révolte contre Globalia.
Bon roman d’anticipation, fort différent des autres écrits de Rufin. L’auteur crée ici une sorte de « démocratie totalitaire », montrant les dérives et effets pervers de la démocratie actuelle si elle était poussée à l’extrême. L’éditeur parle d’un « grand roman d’amour et d’aventures ». Mouais. J’ai trouvé le récit des péripéties de Baïkal plutôt ennuyeux, et l’histoire d’amour peu convaincante, j’ai eu l’impression qu’elle ne servait qu’à justifier l’étiquette « roman » plutôt que celle d’« essai ». L’humour tombe un peu à plat, et les références aux objets du passé censées drolatiques sont trop pédagogiques pour être vraiment amusantes. La fin du roman n’est pas non plus des plus brillantes et est bien trop gentille à mon goût.
Reste que ce monde nouveau est très bien imaginé et décrit, on pense à Orwell et à Huxley, on s’effraie de constater que les multifonctions et la société de consommation existent déjà, et que donc on n’est peut-être pas si loin de Globalia…

Présentation par l’éditeur:

La démocratie dans Globalia est universelle et parfaite, tous les citoyens ont droit au « minimum prospérité » à vie, la liberté d’expression est totale, et la température idéale. Les Globaliens jouissent d’un éternel présent et d’une jeunesse éternelle. Évitez aussi d’être, comme Baïkal, atteint d’une funeste « pathologie de la liberté », vous deviendriez vite l’ennemi public numéro un pour servir les objectifs d’une oligarchie vieillissante dont l’une des devises est : « Un bon ennemi est la clef d’une société équilibré. »

Un grand roman d’aventures et d’amour où Rufin, tout en s’interrogeant sur le sens d’une démocratie poussée aux limites de ses dangers et de la mondialisation, évoque la rencontre entre les civilisations et les malentendus, les espoirs et les violences qui en découlent.

Quelques citations:

« – Chaque fois que les livres sont rares, ils résistent bien. A l’extrême, si vous les interdisez ils deviennent infiniment précieux. Interdire les livres, c’est les rendre désirables. Toutes les dictatures ont connu cette expérience. En Globalia, on a fait le contraire: on a multiplié les livres à l’infini. On les a noyés dans leur graisse jusqu’à leur ôter toute valeur, jusqu’à ce qu’ils deviennent insignifiants.
Et en soupirant, il ajouta:
– Surtout dans les dernières époques, vous ne pouvez pas savoir la nullité de ce qui a été publié ».

– « L’obsolescence programmée des choses faisait partie de la vie. Il était acquis qu’elle entretenait le bon fonctionnement de l’économie. Acquérir était un droit mais posséder était contraire au nécessaire renouvellement des productions. C’est pourquoi la fin des objets était élaborée avec autant de soin que le produit lui-même et contenue en lui ».

Evaluation :

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