jeudi , 3 octobre 2024

Hôtel Berlin 43

Auteur: Vicki Baum

Editeur: Métailié – 9 septembre 2021 (280 pages)

Lu en août 2021

Mon avis: Comme l’indique le titre, l’intrigue se déroule en 1943, à Berlin, dans un hôtel. Un hôtel de luxe où, alors qu’en ville l’heure est au rationnement, se côtoient et boivent et dînent dans l’opulence des hauts-gradés nazis, des diplomates, des hommes d’affaires, des militaires et des aristocrates, des filles à soldats, et Lisa Dorn, jeune actrice à succès, égérie du Führer, admirée et désirée par tout l’état-major. Et parmi cette foule mouvante et ambivalente, se cache Martin Richter, étudiant opposé au régime et recherché par la Gestapo. Lequel trouve refuge dans la chambre de Lisa et y joue son destin. Cette femme-enfant grandie trop vite, biberonnée au national-socialisme, va-t-elle le dénoncer, ou au contraire l’écouter jusqu’au bout et ouvrir les yeux sur la réalité et les horreurs commises par les nazis ?

Unité de temps, de lieu et d’action pour ce huis-clos en milieu feutré mais qui se déroule dans un contexte de fin du monde (d’un monde), puisque au même moment, Berlin essuie les premiers bombardements alliés, qui ne cesseront de s’intensifier.

Malgré la propagande nazie aussi absurde que désespérée qui continue de clamer que la victoire du Troisième Reich est proche, et même si les Allemands sont les seuls à ne pas (vouloir) se rendre compte de la catastrophe imminente, on sent que l’heure de la débâcle arrive. Qu’on ait fait des affaires juteuses avec le parti ou dans le dos de celui-ci, qu’on ait participé à un complot contre Hitler, chacun doit régler ses comptes et se préparer à payer la note finale, avec lâcheté ou élégance.

Née en Autriche en 1888, mariée à un Allemand, Vicki Baum, d’origine juive, a émigré définitivement aux Etats-Unis en 1931 et a obtenu la nationalité américaine en 1938. Installée à Los Angeles, elle travailla souvent à Hollywood dans le cadre d’adaptations cinématographiques. Cela se ressent dans son roman, très visuel, avec les scènes qui se succèdent sans temps mort, dans un chassé-croisé permanent de personnages. Un roman où l’on trouve beaucoup d’intensité dramatique, rythmé et bien construit, et qui a ceci de remarquable qu’il a été écrit en 1943 et publié en 1944 (en anglais), et qu’il est donc prémonitoire puisqu’il anticipe le complot des généraux et la défaite finale, qui ne sera scellée qu’en 1945. « Hôtel Berlin 43 », ou la mise en scène saisissante de l’effondrement du Troisième Reich, pressenti par l’auteure et confirmé par l’Histoire. Et dans la préface à l’édition de 1947, Vicki Baum, lucide, dure et un brin donneuse de leçons, écrivait ceci : « J’ai peu de choses à ajouter aujourd’hui, sinon que je souhaiterais que les Allemands, tout comme leurs adversaires d’hier, établissent une différence claire entre responsabilité et faute. La faute de la guerre incombe aux dirigeants allemands qui ont précipité sans raison le monde entier dans ce malheur effrayant. Mais la responsabilité de l’issue dévastatrice de cette guerre incombe au peuple allemand qui n’eut ni le courage ni le désir de renverser ses dirigeants quand il en était encore temps. Mon livre ne prétend être rien d’autre qu’un petit miroir, sans doute un peu trouble, dans lequel se reflète le visage de l’Allemagne tel qu’on pouvait le voir deux ans avant la fin de la guerre« .

En partenariat avec les Editions Métailié.

#HôtelBerlin43

Présentation par l’éditeur:

1943, dans un palace à Berlin. Poussés par le rationnement et les bombardements, tout ce que la ville compte de diplomates, de généraux, d’hommes d’affaires ou de héros de retour du champ de bataille se retrouvent dans ce lieu au luxe suranné, comme dans un ultime refuge. Plus personne ne croit à la victoire. Au milieu de tous ces hommes brillent Tilli, une femme facile mais désargentée, et Lisa Dorn, égérie du Führer pour qui la foule envahit encore chaque soir le théâtre.
C’est elle que va rencontrer Martin Richter, l’étudiant révolté, le téméraire opposant au régime, poursuivi par la Gestapo. Guidée par lui, elle va ouvrir les yeux sur la réalité et la barbarie du nazisme. Osera-t-elle l’aider dans sa fuite et sa folle aventure ?
Tandis que les bombes font vaciller les vieux murs, l’étau se resserre autour des protagonistes, en ce lieu où chacun règle ses comptes et s’apprête à acquitter le prix des exactions commises pendant la guerre.
Roman d’anticipation, le livre raconte avec un réalisme surprenant ce que personne en Allemagne n’aurait osé imaginer en 1943.

Quelques citations:

– Vanderstraaten était un homme anxieux. Par peur il s’était donné et avait donné sa banque aux nazis dès le bombardement de Rotterdam, au printemps 1940. Peur pour sa famille, peur pour sa vie, peur de perdre son argent, son affaire, sa position, sa maison. Peur d’être mis en prison, d’être battu. Peur d’un changement de mode de vie radical, ce qui est la peur la plus courante chez ceux qui n’ont jamais rencontré de grandes difficultés et qui, par conséquent, en surestiment l’impact et sous-estiment leur endurance.

– Les Allemands ont une confiance particulière en tout ce qui est allemand. N’ayant jamais été traités en adultes, en citoyens libres gouvernés par eux-mêmes, ils jouissaient de la fausse sécurité des enfants ou des esclaves. Leur rôle, c’était d’être de bons sujets, de ne pas poser de questions ni de douter, d’obéir aux règles. L’Etat était donc responsable de leur protection, de leur sécurité, de leur bien-être. Ce n’était que durant les semaines passées qu’ils avaient commencé à entrevoir que même les tours de défense antiaériennes allemandes pouvaient être réduites au silence, les abris allemands exploser, que même l’organisation allemande pouvait être brisée et que même l’Etat allemand n’était pas tout-puissant. Et comme toute grande foi et toute condiance mal utilisée et longtemps trompée, la leur commençait à entrer en ébullition, à se transformer en une mixture empoisonnée de mépris, d’amertume et de haine. 

Evaluation :

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