lundi , 9 décembre 2024

Le mystère de la femme sans tête

Auteure: Myriam Leroy

Editeur: Seuil – 6 janvier 2023 (288 pages)

Lu en janvier 2023

Mon avis: En décembre 2020, lors d’un énième confinement dû à la pandémie, Myriam Leroy se promène avec une amie dans un cimetière bruxellois. Elle y découvre par hasard la tombe d’une certaine Marina Chafroff, décapitée en 1942. Une illustre inconnue, à qui on a coupé la tête, pendant la 2ème guerre mondiale, autant d’éléments qui intriguent l’auteure et piquent sa curiosité. Grâce à de rares sources Internet, elle apprend que Marina était une jeune Russe exilée en Belgique, mariée et mère de deux petits garçons. Elle a été condamnée à mort pour avoir poignardé un fonctionnaire allemand pendant l’Occupation à Bruxelles, et ensuite exécutée à la prison pour femmes de Cologne, avant que son corps soit rapatrié en Belgique après la guerre.
Voilà les seules choses factuelles qu’on puisse affirmer avec certitude, et tirées pour la plupart des archives officielles. Pour le reste (qui était Marina, quelle était sa personnalité, a-t-elle réellement commis cet attentat, pourquoi s’est-elle dénoncée, pourquoi a-t-elle agi ainsi, sachant qu’elle priverait ses enfants de leur mère,…?), Myriam Leroy nous prévient d’emblée : elle a inventé la vie, les pensées, les sentiments, les désirs de Marina et des autres protagonistes, extrapolés principalement à partir du témoignage du plus jeune fils de Marina (âgé de 3 ans à l’époque des faits, avec la conséquence qu’il est difficile de savoir ce qui relève de la mémoire, du souvenir reconstitué et/ou de la légende familiale).
Myriam Leroy présente Marina comme une héroïne oubliée, une femme courageuse, irrévérencieuse, mais effacée par les hommes tant de son vivant (aucun pour prendre au sérieux ses velléités de résistance et de lutte contre les nazis, même pas les militaires auprès desquels elle se dénonce), qu’après sa mort. Au fil du récit de son enquête, l’auteure livre ses propres réflexions sur la place des femmes dans la société, et partage son ressenti et des bribes de son propre vécu souvent malmené par le sexisme ambiant.
Ce roman/récit me laisse partagée, à cause de sa nature hybride. Il a le mérite de mettre en lumière une femme au destin en tout état de cause extraordinaire, mais il frustre parce que, faute d’éléments suffisants, on ignore à tout jamais si la fiction de Myriam Leroy correspond un tant soit peu à la réalité.
Quant au militantisme féministe de l’auteure, il est tout à fait respectable, mais de là à le transposer sur Marina Chafroff, le procédé ne m’a pas convaincue (et l’auteure est d’ailleurs consciente de cette projection – cf article dans le journal Le Soir). Il n’en reste pas moins qu’avec ce parallèle entre deux époques, Myriam Leroy s’efforce de mettre en valeur Marina Chafroff, et, à travers elle, toutes les femmes « qui, en plus de leurs responsabilités, prennent celles des autres », et c’est appréciable.

En partenariat avec les Editions Seuil via une opération Masse Critique privilégiée de Babelio.

Présentation par l’éditeur:

« Sur la photo, c’est sa physionomie qui captive. Un petit nez rond et des bonnes joues mais une morgue et des yeux durs, des yeux qui te voient là où tu ne veux pas être vue… Tout dans ce visage dit à la personne qui regarde : “Dégage.” Il est impossible de s’en détourner. Tu y es ventousée. Fascinée par le caractère hostile de la pose et la beauté farouche du modèle, débarrassé de toute politesse. »
Qui est cette femme-enfant au regard frondeur ?
Jeune Russe exilée en Belgique, Marina Chafroff fut, sur ordre de Hitler, décapitée à la hache en 1942.
Cette mère de famille au courage extraordinaire, sacrifiée pour que vivent des innocents, aurait dû marquer l’Histoire. Elle est pourtant tombée dans l’oubli. Comment a-t-elle été refoulée de nos mémoires ?
Au fil d’un récit aux résonances intimes, plein de coïncidences et d’impasses, Myriam Leroy ressuscite le destin fulgurant d’une météorite dans le ciel de la Seconde Guerre mondiale.
Un roman intense et habité où 1942 et 2022 se superposent en deux calques troublants reléguant toujours les femmes à l’arrière-plan.

Evaluation :

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