jeudi , 21 novembre 2024

Mesopotamia

Auteur: Olivier Guez

Editeur: Grasset – 14 août 2024 (416 pages)

Lu en juillet 2024

Mon avis: Gertrude Bell (1868-1926) naît en Grande-Bretagne dans une famille de la haute bourgeoisie industrielle. Après des études universitaires en histoire, elle se passionne peu à peu pour le Moyen-Orient, où elle voyage à de nombreuses reprises. Perse, Palestine, Syrie, Empire ottoman, elle explore le passé et le présent de la région, s’intéressant à l’archéologie, la géographie, la culture et la politique. Grâce à sa connaissance du terrain et des langues arabe et perse, ainsi qu’aux nombreuses relations qu’elle établit au cours de ses périples, elle est repérée par les services de renseignements britanniques, qui la recrutent pendant la première guerre mondiale, en tant qu’agent de liaison au Bureau arabe du Caire. Avec Lawrence d’Arabie, elle contribue à la conquête de Bagdad par les Britanniques et plus tard à la construction du nouvel Etat irakien, dans une région jusque là dénommée Mésopotamie.

Et donc « Mesopotamia » retrace l’incroyable destin de Gertrude Bell, figure peu connue et pourtant de premier plan de la diplomatie du Commonwealth. Longtemps éclipsée par la célébrité de Lawrence d’Arabie, son illustre contemporain et grand ami, la voici remise en lumière par Olivier Guez, qui rend toute sa place à cette personnalité hors du commun. Une femme trop intelligente pour les hommes de son époque, érudite, aventurière, téméraire, puissante diplomate, impérialiste, mais aussi une femme idéaliste, incomprise, héroïne tragique aux amours irréalistes, paradoxale avec son indépendance farouche d’une part et son opposition tout aussi ferme au droit de vote des femmes d’autre part.

Ce livre est instructif, très dense, fourmillant d’anecdotes. Un bémol cependant : le contexte historico-géo-politique dans cette région du monde au tournant du 20ème siècle est extrêmement complexe, et l’auteur ne fait pas l’économie de nous imposer une longue (très longue) mise en place dans la première partie du livre. Je ne suis pas certaine qu’il était indispensable de détailler à ce point « la subtile diplomatie de la Grande-Bretagne [qui] est un billard à mille bandes, un double, un triple, voire un quadruple jeu indéchiffrable », dont l’enjeu est, in fine, de mettre la main avant le reste du monde (France, Allemagne, Empire ottoman) sur les faramineuses réserves de pétrole du sous-sol de la région. Dans cette première moitié du livre, on ne sait plus trop qui, de Gertrude ou de l’expansion colonialiste de l’Empire britannique, est le sujet principal. Gertrude apparaît d’ailleurs peu incarnée, tant les passages qui la concernent sont factuels et descriptifs et lui donnent peu d’épaisseur psychologique. Elle en retrouve davantage dans la seconde moitié, même s’il y est beaucoup (trop?) question de ses amours malheureuses. Il est vrai que pendant les dernières années de sa vie, elle a été mise à l’écart sur le plan professionnel, et qu’en dehors de ses déboires sentimentaux, sa vie personnelle s’est plutôt apparentée à un morne désert.

Autre bémol, j’ai trouvé que la narration alternant entre passé et présent accentue encore la complexité du contexte historique, et qu’il est assez difficile, par moments, de ne pas s’y perdre.

Une découverte néanmoins très intéressante.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.

#Mesopotamia #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Vous ne la connaissez pas, pourtant elle a tenu le monde entre ses mains. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Gertrude Bell a dessiné les frontière de l’Orient, dans ce désert sauvage où tout a commencé : le pays entre deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate.
Aventurière, archéologue, espionne, parlant l’arabe et le persan, elle fut la première femme puissante de l’Empire britannique, mais aussi une héroïne tragique. Idéaliste comme son ami et frère d’âme Lawrence d’Arabie. Impérialiste et courageuse comme le jeune Winston Churchill. Enfant aimée et incomprise d’une riche famille victorienne. Amoureuse éperdue. Et une énigme pour nous : celle des femmes que l’Histoire a effacées.
Olivier Guez lui rend sa gloire et nous offre une épopée flamboyante : de la découverte de gigantesques gisements pétroliers aux jeux de pouvoir cruels entre Britanniques, Français et Allemands, des négociations sous les tentes bédouines aux sables de Bagdad où se perdent nos rêves.
Le roman de Gertrude Bell dessine la vaste fresque de la première mondialisation, quand le plus grand empire de tous les temps s’approprie une contrée mythique et maudite, terre d’Abraham, du déluge et de Babel, tombeau d’Alexandre le Grand : la Mésopotamie.

Une citation:

– Gertrude effrayait les jeunes gens. Ils ne voulaient pas d’une femme savante et encore moins d’un bas-bleu. D’une épouse, génitrice de leur descendance, vigile de la race anglaise et gardienne du foyer, ils attendaient docilité et modestie, une créature pieuse, ingénue et jolie. […] Elle devait savoir lire, écrire, compter, broder, ouvrir une porte, éventuellement jouer d’un instrument et connaître des rudiments de langues étrangères, de littérature et d’histoire de l’art, chanter et dessiner, mais certainement pas penser par elle-même et fourrer son nez dans les domaines dont les hommes avaient le monopole exclusif, la politique, la diplomatie, la guerre et la paix. Les débats intellectuels étaient nocifs à la santé des femmes. Le professeur Spencer les avait mises en garde: un cerveau trop développé pouvait mettre en péril leurs organes reproducteurs.

Evaluation :

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