jeudi , 25 avril 2024

Scintillation

Auteur: John Burnside

Editeur: Métailié – 2011 (288 pages)

Lu en novembre 2019

Mon avis: « Scintillation », un titre paradoxal pour ce roman qui se déroule dans l’Intraville, bled côtier indéterminé de Grande-Bretagne, autrefois prospère grâce à l’usine chimique qui employait à peu près tous les habitants des environs. Aujourd’hui, l’usine est désaffectée depuis longtemps, la faune et la flore sont empoisonnées, les habitants au chômage et parfois gravement malades. Comme si cela ne suffisait pas à la noirceur du tableau, en quelques années, cinq jeunes adolescents ont disparu chacun à leur tour, sans qu’on s’en préoccupe plus que cela. « Partis chercher un avenir meilleur », dit-on le plus souvent. Léonard, 14 ans, n’en croit pas un mot et vit dans l’attente angoissante d’une autre « victime », lui, peut-être. Mais il essaie de garder espoir, entre ses deux passions : la littérature et les jolies filles.
Cette histoire a des airs de roman post-apocalyptique, dans lequel la Nature est morte, les adultes lâches ou cupides, l’agent de police inutile et corrompu et les enfants sauvages et livrés à eux-mêmes. Réunissant peurs et angoisses universelles (maladie, mort, disparitions d’enfants, chômage, violence, catastrophe écologique), le tableau est sinistre, glauque, malsain et comporte quelques scènes poignantes. le style est à la fois lyrique et cru, magnifique, et les réflexions pertinentes. Il ne faut pas se laisser rebuter par les premières pages, introspectives et obscures, mais se laisser guider ensuite par les différentes voix qui apportent chacune son point de vue, laissant au lecteur le soin d’assembler le puzzle. J’avoue que je n’ai pas bien saisi la scène finale, quasiment messianique, inquiétante et littéralement aveuglante: rédemptrice ou infernale, elle annonce la fin certaine d’un monde, sans qu’on sache s’il en adviendra un autre, ni s’il sera meilleur…

Présentation par l’éditeur:

Dans un paysage dominé par une usine chimique abandonnée, au milieu de bois empoisonnés, l’Intraville, aux immeubles hantés de bandes d’enfants sauvages, aux adultes malades ou lâches, est devenue un modèle d’enfer contemporain. Année après année, dans l’indifférence générale, des écoliers disparaissent près de la vieille usine. Ils sont considérés par la police comme des fugueurs.
Leonard et ses amis vivent là dans un état de terreur latente et de fascination pour la violence. Pourtant Leonard déclare que, si on veut rester en vie, ce qui est difficile dans l’Intraville, il faut aimer quelque chose. Il est plein d’espoir et de passion, il aime les livres et les filles.
Il y a dans ce roman tous les ingrédients d’un thriller mais le lecteur est toujours pris à contrepied par la beauté de l’écriture, par les changements de points de vue et leur ambiguïté, par le raffinement de la réflexion sur la façon de raconter les histoires et les abîmes les plus noirs de la psychologie. On a le souffle coupé, mais on ne sait pas si c’est par le respect et l’admiration ou par la peur. On est terrifié mais aussi touché par la grâce d’un texte littéraire rare.

Quelques citations:

– Parfois, Morrison a le sentiment que c’est ça qu’il pleure par-dessus tout: que c’est là la véritable source de son chagrin. Il s’était attendu à un contact, il s’était dit que c’était ce que faisaient les gens mariés: ils se touchaient. Par ce simple moyen, ils se guérissaient mutuellement. 

– C’est comme ça que marche le monde. Les méchants gagnent et les autres font semblant de ne pas avoir remarqué ce qui se passe, histoire de sauver la face. C’est dur d’admettre qu’on n’a aucun pouvoir, mais il faut s’habituer à cette idée. Ca sert à ça, l’école, bien sûr. C’est là pour nous former à la discipline vitale de l’impuissance.
Evidemment, le contraire de l’école c’est les livres. Moi, j’adore les livres, mais je n’ai pas les moyens de m’en acheter. […] C’est vraiment typique de la façon dont marche le monde: les gens qui adorent les livres, ou autre, n’ont pas les moyens de s’en acheter, pendant que les gens bourrés de fric font des études commerciales pour pouvoir gagner encore plus d’argent et maintenir les liseurs de livres dans l’impuissance. Tout ce qu’on a, nous les pauvres gens, c’est la bibliothèque municipale. Je continue pourtant de lire dans les journaux que Brian Smith et les autres grosses légumes ont donné des tas de fric – déductibles des impôts – pour ça, alors j’imagine que finalement, elle fonctionne la théorie à la con comme quoi la richesse des uns profite à tous. 

Evaluation :

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