mercredi , 24 juillet 2024

Une maison bruxelloise

Auteur: Valentine de le Court

Éditeur: Editions Mols – 2017 (160 pages)

Lu en janvier 2018

Mon avis: Automne 2016, Maria-Fernanda atterrit à Bruxelles, dans ce plat pays si différent du sien. Maria-Fernanda, 32 ans, deux enfants, lâchement abandonnée par son « champion du monde des abrutis » de mari et virée de son boulot, a décidé de quitter son Brésil natal en quête d’un Eldorado au cœur de l’Europe, à tout le moins d’un travail correct et d’argent à envoyer à sa mère et ses enfants restés à Salvador.

Déboussolée à son arrivée dans ce pays minuscule, dans cette ville grise et froide qui meurt dès 22h, dans ce climat triste et humide, elle se demande comment s’y prendre pour trouver du travail, sans papiers, sans formation et sans parler français. Selon Cristiana, vague connaissance qui l’héberge à Bruxelles, la seule possibilité pour elle dans ces conditions, c’est de faire des ménages. Et de fait, un jour que Cristiana épluche pour sa colocataire le tableau des petites annonces au supermarché, un carton bleu attire l’attention de Maria-Fernanda. « Famille nombreuse cherche femme de ménage du lundi au vendredi, de 9 à 17h. Bonne rémunération. Se présenter le jeudi matin », lui traduit Cristiana. Persuadée que cette annonce lui est destinée, Maria-Fernanda se rend à l’adresse indiquée le jeudi suivant. Bizarrement, personne ne répond à ses coups de sonnette, personne n’apparaît lorsqu’elle pousse la porte entrouverte et entre dans la maison… Maria-Fernanda attend, attend, hésite à s’en aller, attend encore puis… se met à faire le ménage, sans voir personne de la journée. Le lendemain, elle y retourne et trouve l’argent de sa paie sur la table dans la maison toujours aussi déserte. S’estimant tacitement embauchée, elle s’acquitte consciencieusement de sa tâche les semaines et les mois suivants, sans rien savoir de ses employeurs. Elle ne peut que les imaginer, Madame, Monsieur, Grande Soeur, Petit Garçon et Bébé, à travers leurs vêtements, jouets, vaisselle, chambres, salle de bain,… Car toujours aussi bizarrement, elle ne trouve pas la moindre photo dans toute la maison. Se projetant dans le quotidien de la famille, Maria-Fernanda fait peu à peu sienne l’image d’une vie rêvée en leur compagnie, qu’elle voit chaleureuse et bienveillante. Mais la confusion guette et la maison, le personnage central, est peut-être moins accueillante qu’elle ne le croit…

L’atmosphère de ce court roman est inquiétante et étrange. Tout au long de l’histoire, on cherche, en même temps que Maria-Fernanda, à comprendre les événements qui se déroulent dans la maison et qui au final échappent à toute logique. Si le lecteur, après de multiples questions et autant d’hypothèses, entrevoit un début d’explication peu avant la fin, Maria-Fernanda, elle, reste dans l’obscurité jusqu’à l’électrochoc de la dernière ligne.

Solitude, dénuement, déracinement, perte et (re)construction sont au coeur de ce conte teinté de tristesse et de fantastique. Une belle écriture fluide et poétique au service d’une histoire captivante, découverte grâce à l’émission télévisée « Livrés à domicile » de la RTBF.

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Présentation par l’éditeur:

« Si Paulo avait été autre chose qu’un pauvre type, Maria-Fernanda n’aurait pas dû quitter le Brésil et jamais elle n’aurait posé les pieds dans une maison bruxelloise. Hélas pour elle, il était le champion du monde des abrutis. »

Mère de famille, devenue femme de ménage par nécessité, Maria-Fernanda sera engagée de façon rocambolesque pour s’occuper de la demeure d’une famille énigmatique dont les membres se laisseront peu à peu approcher au travers d’un foulard parfumé, d’un vase ou d’une lettre oubliée.
Mais que lui veulent-ils en définitive ?
Que cherche Maria-Fernanda dans les couloirs ?
La réalité a-t-elle quoi que ce soit en commun avec ses rêveries ?

Quelques citations:

– C’était une fille gentille. Elle l’avait toujours été. Et les filles gentilles ne se battent pas pour récupérer ce qui leur revient de droit, elles pleurent.

– Il est simple d’être un homme infidèle dans un monde où les femmes restent persuadées qu’elles seront plus heureuses en couple que seule. Au final, ils gagnent, quoi que les femmes tentent pour se déclarer indépendantes. Dans leur tête, la plupart des femmes se considèrent encore porteuses d’un corset, même à l’heure des jeans troués et du string panthère. Pauvres épouses de tous pays, se lamenta Maria-Fernanda, à la merci des mâles et de leur pénis voyageur. Les hommes étaient bien tous pareils, des animaux dirigés par le petit morceau de chair qui leur servait de radar de vie. 

Evaluation :

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