jeudi , 18 avril 2024

Yacaré – Hotline

Auteur: Luis Sepúlveda

Editeur: Métailié – 2013 (128 pages)

Lu en février 2018

Mon avis: L’écologie et la démocratie, deux thèmes chers au cœur et à la plume de Luis Sepúlveda, sont au centre de ces deux textes (longues nouvelles ou courts romans, c’est selon).

Dans le premier, Hotline, George Washington Caucaman, mapuche et inspecteur de la police rurale patagonne, vient de neutraliser un trafiquant de bétail en lui tirant dans les fesses. Rien d’extravagant dans ce Far West chilien, sauf que, hic, le voleur n’est autre que le fiston bien-aimé d’un général dignitaire du régime de Pinochet. Lequel régime, bien que tout récemment renvoyé à ses études de démocratie, dispose encore d’une certaine influence et d’une certaine assisse (en dépit du postérieur troué du gamin), et voilà Caucaman puni et muté à Santiago, troquant les effluves de bouse de vache pour les gaz d’échappement, et la chasse aux contrebandiers pour la brigade des mœurs. Chargé d’enquêter sur les téléphones roses, il tombe sur une étrange affaire dans laquelle les gérants d’une de ces hotlines font l’objet d’inquiétantes intimidations de la part d’un de leurs clients. Caucaman est rattrapé par son passé, mais rira bien qui rira le dernier…

Dans le deuxième texte, on change de continent et d’atmosphère, entre Zurich et Milan, dans le milieu feutré des assurances et de la maroquinerie de luxe. Brunni, l’un des magnats milanais du secteur, vient de trépasser. La mort est suspecte, la police ouvre donc une enquête, de même que la compagnie d’assurances, qui dépêche sur place son inspecteur Dany Contreras, chilien exilé en Europe depuis quinze ans. L’enjeu pour la compagnie : une assurance-vie d’un million de francs suisses à payer en mains propres à un certain Manaï, résidant au fond du Pantanal en Amazonie brésilienne, selon la volonté de Brunni. A la seule et unique condition que celui-ci soit décédé de mort naturelle ou accidentelle. Et notre inspecteur Contreras de mettre les pieds, non pas dans un panier de crabes, mais dans une mare aux crocodiles: la mort de Brunni pourrait en effet être liée à un trafic illégal de peaux de yacarés, une variété protégée de petits caïmans d’Amazonie, vivant en particulier sur le territoire des Anarés, l’une des dernières tribus à être entrée en contact avec l’homme blanc et dont le grand sorcier n’est autre qu’un certain Manaï…

Dans ces deux textes tragi-comiques, Sepúlveda oppose dictature et démocratie, densité des villes et nature infinie, les Blancs et les Indiens, l’appât du gain et du pouvoir à la Justice et à la protection de la Nature. Même si le ton est à la farce, ironique, simple et alerte, et même si le format est court, l’essentiel est dit et les injustices dénoncées. Sepúlveda y met une grande force de conviction, jamais démentie au fil de son oeuvre.

Présentation par l’éditeur:

Au Chili de nos jours pour s’attaquer à un militaire il faut être ou inconscient ou exceptionnellement honnête, c’est ce que découvre George Washington Caucaman, l’inspecteur rural Mapuche, lorsqu’on le punit en le mutant à Santiago.
Tout en calmant ses aigreurs d’estomac au bicarbonate, il enquête sur les hot lines, le téléphone rose.
Au-delà de l’étonnement narquois et des dialogues bouffons, il découvre aussi la peur de tout un peuple prisonnier des balbutiements d’une démocratisation sous surveillance.
Éléphant dans un magasin de porcelaine, Il applique aux politiques les mêmes méthodes qu’aux bandits, voleurs de bétail de Patagonie, révélant à tous qu’il ne suffit pas de ne pas s’être sali les mains…

L’inspecteur Dany Contreras veut rester au chaud dans son bureau, à l’abri du monde. Envoyé à Milan, il suit la piste du sorcier Manaï et découvre l’existence des Indiens Anarés. Ils ignorent le monde des Blancs jusqu’au moment où ces derniers menacent le commencement et la fin de leur vie: les yacarés, ces petits crocodiles de l’Amazonie, qui pour les maroquiniers milanais, valent leur pesant d’or.
Sarbacane contre Walther 9 mm, « Ashkeanumeré » contre « Jeashmaré », « celui qui vient de l’eau » contre « ceux qui détestent l’eau », la vie contre le profit. Une enquête mélancolique, pour Contreras, l’exilé chilien, Arpaia l’élégant commissaire et Chielli le corpulent inspecteur au toscano.

Evaluation :

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4 commentaires

  1. C’est justement avec ce recueil que j’ai découvert cet auteur.

    • Moi c’était « le vieux qui lisait des romans d’amour », il y a bien longtemps. Il faudrait que je le relise…

  2. Thèmes intéressants et en plus Sepúlveda est un auteur que j’apprécie. Merci du partage.