jeudi , 25 avril 2024

Au lieu-dit Noir-Etang

Auteur: Thomas H. Cook

Editeur: Points – 2013 (377 pages)

Lu en 2014

au lieu-dit noir étangMon avis: Pour une fois, je trouve que le titre est plus joli dans sa traduction que dans sa version originale. Bien que moins poétique, la version anglaise a cependant le mérite d’être plus explicite : The Chatham School Affair, « affair » ayant le double sens, approprié en l’occurrence, d’affaire judiciaire et de liaison amoureuse, ou aventure.
Et de fait, c’est au coeur d’une aventure dramatique que se trouve plongé Henry, 15 ans en cet an de grâce 1926. Avis en passant aux amateurs d’enquêtes policières sanglantes et trépidantes, ce roman n’est pas pour vous : tragédie romantique, drame psychologique, oeuvre au noir, certes. Polar ou thriller, non point…
Le canevas de cette histoire est classique, pour ne pas dire stéréotypé : une belle jeune femme débarque dans une bourgade conservatrice de Nouvelle-Angleterre, pour occuper le poste de professeur d’arts plastiques de l’école. Miss Channing arrive tout droit d’Afrique, après avoir passé sa jeune vie à bourlinguer avec son père, écrivain-voyageur, qui lui a inculqué ouverture d’esprit et amour de la liberté. Autant dire que Miss Channing ne cadre pas exactement avec son nouvel environnement.
Il n’en faut plus pour enflammer l’esprit d’Henry, adolescent sensible, coincé entre son père directeur de l’école, traditionnaliste totalement dévoué à son métier, et sa mère femme au foyer, auto-érigée en gardienne intraitable des convenances. Il n’en faut pas davantage pour chavirer le coeur tourmenté de Mr Reed, le professeur d’anglais, 28 ans, marié et père d’une petite fille. L’inévitable se produit, les coeurs s’emballent, Miss Channing et Mr Reed se rapprochent, sous le regard d’Henry, témoin silencieux et complice de cette passion interdite. Les personnages sont en place, le décor est planté autour du Noir Etang, sur les berges duquel vivent les deux professeurs, la tragédie peut se jouer.
Car on sait dès le début qu’un drame s’est produit, que Miss Channing s’est trouvée accusée devant un tribunal. C’est Henry, 60 ans après les faits, qui nous apprend au fil des pages, par bribes, ce qui s’est passé dans cet endroit de sinistre mémoire. Une histoire de passion, de destins contrariés dans un contexte médiocre et étriqué, où l’avenir est tracé entre des rails bien lisses et droits, donc sans intérêt. le jeune Henry, frustré, épris d’absolu et de liberté, projette ses fantasmes sur le couple adultère, faisant de Miss Channing une héroïne malheureuse des temps modernes.
L’ambiance est pesante, le rythme est lent, alourdi par de fastidieux allers-retours passé/présent, qui impliquent une profusion de « je me rappelle », « je me souviens », « à cette époque », « je me remémore », etc… Cette construction, certes habile, m’a agacée, de même que les repères chronologiques à répétition, la manière de distiller les éléments de compréhension au petit bonheur, les phrases grandiloquentes, et l’entretien plus ou moins artificiel d’un mystère qu’on commence pourtant à deviner bien avant la fin. Sans compter l’invraisemblance qui pousse deux adultes en plein « péché » à se confier à un adolescent, qui plus est, le fils de leur employeur.
Ne croyez pas que je sois animée d’un esprit de contradiction plutôt malvenu en cette période de trêve hivernale, mais j’ai du mal à me rallier aux nombreux avis élogieux. Pour moi ce n’est pas le polar de l’année…

Présentation par l’éditeur:

Dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre, en 1926, le jeune Henry découvre la relation adultérine qu’entretiennent deux de ses professeurs. La solitude de M. Reed, marié et père de famille, l’intrigue; tout comme le fascinent la beauté et le caractère passionné de Mlle Channing. Henry va être le témoin complice et muet de la tragédie qui se noue au lieu maudit appelé Noir-Etang.

Quelques citations:

– « L’art, c’est comme l’amour. C’est tout ou rien ».

– « De tout ce qui incarnait la médiocrité et l’insensibilité dont je voulais me préserver, mon père remportait la palme. Quant à l' »existence honnête et droite » qu’il évoquait parfois, campé devant les garçons dans sa pose cicéronienne, elle me paraissait surtout être une vie menée sans énergie et sans imagination, qui méritait à peine d’être vécue et à laquelle la mort ne pouvait apporter qu’une douce délivrance ».

– « …et je lui ai parlé de ce que la vie devrait être, des hauteurs qu’elle devrait atteindre, des passions qu’elle devrait embrasser, tout cela, en fin de compte, dans l’espoir qu’elle puisse vivre comme l’oiseau en vol. Car la vie ne vaut d’être vécue qu’au bord de la folie ».

– « Un artiste ne doit obéir qu’à ses passions, affirma-t-elle. Tout le reste n’est que noeud coulant autour de son cou ».

Evaluation :

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