jeudi , 25 juillet 2024

Crimes

Auteur: Ferdinand von Schirach

Editeur: Folio – 2012 (272 pages)

Lu en 2013

crimesMon avis: D’un côté il y a la Loi, et son bras armé, la Justice. La Loi, que nul n’est censé ignorer, parfois dure, mais la Loi. Puis la Justice et son allégorie, Thémis, représentée les yeux bandés, une balance dans une main, un glaive dans l’autre. Elle veut nous convaincre à toute force qu’elle tranche les litiges en toute impartialité après avoir pesé les arguments de toutes les parties à la cause. Voilà pour les principes, pour la théorie. Ce serait si simple : un acte illégal, qu’on qualifierait juridiquement de crime, de délit ou d’infraction, pour le faire rentrer dans l’une des « cases » du Code pénal, et auquel il suffirait ensuite d’appliquer la sanction prévue par la Loi. Limpidité, automatisme de la procédure…
Mais de l’autre côté il y a la pratique judiciaire, bien différente, et la vérité judiciaire n’est que l’une des vérités possibles, même si c’est elle qui compte aux yeux de la Société.
C’est bien de cela qu’il s’agit dans ce recueil de nouvelles : dans la plupart des cas qui nous sont présentés, les faits bruts et objectifs ne laissent pas la place au doute. Mais que l’on s’intéresse de plus près à ces tragédies (car ce sont de véritables drames), à leur contexte, à leurs acteurs, aux « circonstances de l’espèce », bref à la subjectivité qui les imprègne, et l’on comprendra l’infinie complexité de la tâche du juge.
Ces onze affaires nous sont relatées sans les effets de manche coutumiers observés aux audiences des Assises, froidement, cliniquement, avec une sobriété qui les rend d’autant plus saisissantes. On aurait pu craindre qu’un auteur avocat nous assomme avec éléments de procédure, recours et devoirs d’enquête, mais heureusement il préfère nous entraîner dans les méandres de la psychologie des victimes et de leurs bourreaux. Un quasi-documentaire aussi passionnant qu’un vrai polar.
Et la démonstration est faite que le responsable n’est pas toujours coupable. C’est d’autant plus vrai que l’on peut s’offrir les services d’un ténor du barreau plutôt qu’un commis d’office. Mais ceci est un autre débat…

Présentation par l’éditeur:

Crimes est un recueil de nouvelles relatant onze affaires criminelles stupéfiantes. Pour son auteur, Ferdinand von Schirach, avocat de la défense à Berlin depuis une quinzaine d’années, le monstrueux fait partie du quotidien. Mais si les faits rapportés sont bien réels, l’écrivain brouille les pistes et nous introduit dans un monde fictionnel aussi fascinant qu’inquiétant. La violence des crimes est sublimée par le laconisme d’un style presque chirurgical dont le mystérieux pouvoir d’attraction hypnotise le lecteur.

Mais au-delà de la force spectaculaire d’une prose glaçante, ces récits criminels témoignent d’une compréhension aiguë des motifs psychologiques des criminels. Tel ce mari qui assassine sa femme de manière effroyable, mais dont on découvre l’intolérable torture morale qu’elle lui avait infligée durant d’interminables années. Ou le meurtre de ce frère par sa propre sœur, qui se révèle un étonnant acte d’amour. Von Schirach, pour un coup d’essai, livre un coup de maître : subitement entré en littérature avec ce premier recueil de nouvelles, il transcende le témoignage de sa fonction par la maîtrise souveraine du récit et une réflexion sur la valeur du fait vrai : certains, même après qu’on les a prouvés, restent à peine croyables.

Evaluation :

Voir aussi

Arènes sanglantes

Auteur: Vicente Blasco Ibañez Editeur: Le Livre de Poche – 1964 (254 pages) Lu en …