Auteur: Ray Bradbury
Editeur: Folio SF – 2000 (224 pages)
Prix Hugo du meilleur roman (1954)
Lu en octobre 2018
Mon avis: « Vivre sans lire, c’est dangereux. Cela t’oblige à croire ce qu’on te dit* », ou ce qu’on te montre à la télévision. Voilà une phrase qui aurait été considérée comme blasphématoire dans l’univers de Fahrenheit 451, roman d’anticipation (plus tant que ça…) publié en 1953. En effet, dans ce monde futuriste (aaah, le progrès), la lecture et les livres sont interdits, parce qu’ils pourraient susciter doutes et questions, donc remise en cause, contestation, critique de l’ordre établi, voire chaos et désintégration de la société. Pour garantir la sécurité de celle-ci, il suffit, même pas d’interdire, juste d’empêcher les gens de se servir de leur cerveau, en les lobotomisant à coup d’émissions de télévision abrutissantes, de consommation effrénée, de loisirs absurdes et de paradis artificiels. Remplir le vide par le vide en donnant l’illusion d’une plénitude totale et immédiate, telle est la devise (même pas paradoxale) de ce monde parfait. Gardiens de ce dogme, les pompiers ne sont plus chargés d’éteindre les incendies, mais de bouter le feu à toute maison (et à ses occupants si nécessaire) qui contiendrait un livre. Guy Montag est l’un de ces soldats du feu. Jusque là aussi borné que l’immense majorité de ses concitoyens, son esprit s’ouvre peu à peu, à la faveur d’une rencontre avec une jeune fille qui a miraculeusement préservé son sens critique. Montag, qui a d’abord du mal à remettre en marche son cerveau rouillé, finit par se rebeller contre le système totalitaire qui l’asphyxie, et devient un dangereux subversif qu’il faut à tout prix empêcher de nuire.
Vaccin (préventif) ou antidote (quand le mal est fait mais qu’il peut encore être soigné), je ne sais pas, en tout cas Fahrenheit 451 est encore et toujours d’actualité. Télé-réalité, fake news, données factuelles livrées sans analyse ni mise en perspective, course à la consommation et au bien-être de plus en plus jetables, flots d’images et d’informations brutes impossibles à assimiler, on vit une époque formidable. Personnellement, je n’ai pas trouvé les aventures de Montag très captivantes, ni les personnages fort attachants, et j’ai l’impression que cette histoire sert surtout à véhiculer le message de Bradbury. Lequel est vital : lire, réfléchir, remettre en question, garder l’esprit ouvert et éveillé pour éviter les tyrannies. Un livre indispensable, le livre des livres, en quelque sorte. Rien « que » pour ça, cinq étoiles.
*citation apparemment attribuée à Mafalda, le personnage de BD créé par l’argentin Quino.
Présentation par l’éditeur:
451 degrés Fahrenheit représentent la température à laquelle un livre s’enflamme et se consume.
Dans cette société future où la lecture, source de questionnement et de réflexion, est considérée comme un acte antisocial, un corps spécial de pompiers est chargé de brûler tous les livres dont la détention est interdite pour le bien collectif.
Montag, le pompier pyromane, se met pourtant à rêver d’un monde différent, qui ne bannirait pas la littérature et l’imaginaire au profit d’un bonheur immédiatement consommable. Il devient dès lors un dangereux criminel, impitoyablement pourchassé par une société qui désavoue son passé.
Une citation:
– Si vous ne voulez pas qu’un homme se rende malheureux avec la politique, n’allez pas lui casser la tête en lui proposant deux points de vue sur une question; proposez-lui-en un seul. Mieux encore, ne lui en proposez aucun. […] Proposez des concours où l’on gagne en se souvenant des paroles de quelque chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel Etat ou de la quantité de maïs récoltée dans l’Iowa l’année précédente. Bourrez les gens de données incombustibles, gorgez-les de «faits», qu’ils se sentent gavés, mais absolument «brillants» côté information. Ils auront l’impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur-place. Et ils seront heureux parce que de tels faits ne changent pas. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C’est la porte ouverte à la mélancolie.
Le style de Bradbury a un peu « vieilli » je trouve, mais son propos reste actuel et pertinent. J’ai beaucoup aimé ce roman, et certaines images de son adaptation cinématographique faite par Truffaut, vu au lycée (il y a donc de cela… pfff), me hantent encore !
Je suis d’accord avec vous. Par contre je n’ai pas vu le film, je vais me mettre à sa recherche!