Auteur: Panaït Istrati
Éditeur: Gallimard – 2019 (512 pages)
Lu en avril 2020
Mon avis: « La jeunesse d’Adrien Zograffi » regroupe quatre livres : « Codine« , « Mikhaïl« , « Mes départs » et « Le pêcheur d’éponges« . Adrien Zograffi est le double littéraire de Panaït Istrati, auteur roumain écrivant en français, né en 1884 à Braila, sur les rives du Danube.
Vivant dans un quartier pauvre avec sa mère, Adrien/Panaït a, dès l’enfance, un don pour se lier d’intense amitié avec des personnages extraordinaires qu’on dirait échappés d’un conte. Ainsi, Codine, ancien forçat et honorable terreur du quartier, le prend sous son aile alors que le gamin n’a que 7 ou 8 ans. Quelques années plus tard, il rencontre Mikhaïl, sorte de vagabond taciturne qui, sous son aspect misérable, est riche de grande sagesse, et avec qui Adrien parcourra pendant huit ans les pourtours de la Méditerranée. Mais avant de s’en aller courir les chemins, Adrien a quitté l’école très tôt, au désespoir de son instituteur, pour gagner de l’argent et ainsi soulager sa mère. Engagé dans une taverne où il subira mille humiliations, il se lie avec le capitaine Mavromati, qui lui offre le plus beau des cadeaux pour un jeune garçon assoiffé de connaissance : un dictionnaire. Plus tard, rêvant de découvrir la France, il embarque clandestinement sur un bateau pour Marseille, mais, démasqué à bord, il sera débarqué à Naples, où il vivra de presque rien, jusqu’à ne manger que de la salade chapardée dans un champ pendant une semaine, avant de réussir à monter sur un bateau qui l’emmènera vers d’autres aventures.
Ces quatre livres, qui ne sont pas toujours chronologiques et sont écrits, bizarrement, parfois à la 1ère personne, parfois à la 3ème, sont donc des tranches de jeunesse de l’auteur qui, entre petits boulots et voyages, entre débrouille et bourlingue, côtoie la misère, l’exploitation, le désespoir, le racisme, l’injustice. Tantôt récit picaresque haut en couleurs, tantôt réflexions plus intimistes sur les amitiés ardentes d’Adrien, ces quatre textes forment un roman d’apprentissage et d’aventures au style un peu désuet et lyrique. Entre grandes envolées et grands sentiments (notamment une exaltation de l’amitié masculine qui m’a parue excessive), « La jeunesse d’Adrien Zograffi » est une ode à la liberté, au sens de l’honneur et à la justice.
Présentation par l’éditeur:
L’enfance et la jeunesse d’Adrien Zograffi se situent dans une misérable banlieue du port de Braïla, sur les bords du Danube. Adrien devient le protégé de Codine, le bon géant. Puis il se fait vagabond et, pendant huit ans, a Mikhaïl pour inséparable compagnon. A Alexandrie, Le pêcheur d’éponges lui raconte sa vie. Chacun de ces textes pourrait lui aussi s’appeler Mes départs. Avec ces quatre titres, qui composent La jeunesse d’Adrien Zograffi, Panaït Istrati, qui ressemble à son héros, nous offre un chant d’amour, de justice et de liberté.
Quelques citations:
– Mais comment est-il possible d’écrire des livres pour les hommes, sans aimer les hommes?
– Très bien: c’est pour gagner de l’argent et…
– Gagne-t-on de l’argent en écrivant des livres?
– Beaucoup, preuve barba Spiro; et puis, de la gloire.
– Quelle gloire? Il n’y a pas de gloire si l’on a le cœur sec.
– Sache donc ceci: l’étranger est une ombre qui porte son pays sur le dos. Cela ne plaît pas aux patriotes et c’est pourquoi l’étranger est partout un homme de trop. Mais il y a pis. Il arrive que l’être dépaysé déplaise à ceux-là mêmes qui l’ont aimé et voilà ce qui est triste.