lundi , 20 janvier 2025

La voix des Saules

Auteure: Nathalie Skowronek

Editeur: Grasset – 2024 (176 pages)

Lu en décembre 2024

Mon avis: Il y a quelques années, Nathalie Skowronek a été contactée pour animer un atelier d’écriture aux Saules, un centre de jour pour personnes souffrant de troubles psychiatriques.

Bien qu’elle n’ait jamais animé d’atelier, et malgré son manque de confiance en elle et son sentiment de ne pas être légitime dans ce rôle, elle accepte, poussée par on ne sait trop quel élan ou quel écho prémonitoire.

A raison de deux heures par semaine, elle se retrouve devant une poignée de participants, à évoquer ses auteurs et textes fondateurs, la littérature et le pouvoir des mots, à proposer techniques et exercices. A tâtons, elle s’efforce de faire advenir l’écriture chez les participants. Le but n’est pas thérapeutique à proprement parler (elle n’est pas qualifiée pour cela) mais, au détour d’un texte, les confidences surgissent. Celles des participants, qui depuis longtemps ont tombé le masque des convenances et des faux-semblants : ils savent qu’ils vont mal, qu’ils ne sont pas « normaux », et qu’il ne sert à rien de s’en cacher, alors autant en rire, même si c’est un rire un peu jaune. Nathalie Skowronek, par contre, s’est blindée dès le départ dans son armure de « normalité », s’est collé sur le visage le masque souriant du « tout va bien, merci ». Mais au fil du temps, face à la souffrance et la sincérité des participants, à leur solidarité, à la confiance qui s’installe, elle se sent à l’étroit dans son armure, et son sourire devient grimace. Sa carapace se fissure, et c’est sa propre fragilité enfouie qui refait surface, en même temps que ses peurs, ses angoisses, sa douleur, sa déprime. Elle ne peut plus éviter la confrontation avec elle-même, et à force d’interrogations, se rend compte qu’entre elle et les participants de l’atelier, la frontière de la normalité et de la souffrance psychique est décidément floue et poreuse.

Un récit sincère, touchant, juste, digne, qui pose la question de la normalité, et qui parle de contrôle et de lâcher-prise, des rôles (des masques, des poids, des « il faut que ») qu’on endosse ou qu’on nous fait endosser, et de la fragilité et du manque de confiance et d’estime de soi qui en résultent quand ils étouffent notre identité profonde.

#Lisezvouslebelge

Présentation par l’éditeur:

Contactée pour animer des ateliers d’écriture en milieu psychiatrique, Nathalie Skowronek, qui n’en a jamais dispensé, se demande bien ce qu’elle pourrait apporter à des gens atteints de troubles psychiques. Pourtant, sans en comprendre les raisons, elle accepte. Autour de la table, entre exercices d’écriture et confidences lâchées avec une sincérité qui la désarme, elle découvre une humanité en souffrance, digne, sans fard, sans complaisance sur son état de perte, prompte à rire d’elle-même. Elle y reconnaît cette éternelle difficulté de vivre qui attend consolation et reconnaissance. De quoi se poser la question  : et elle, où en est-elle dans sa vie, qu’en attend-elle  ?
 
Au fil des séances, de plus en plus confuse et vulnérable, elle voit la distance s’amenuiser entre les participants et elle. Basile qui fuit l’atelier car il lui cause trop d’hallucinations, Pierrot qui déconstruit les phrases des uns et des autres par des jeux de mots vertigineux, Lina, la fine mouche, qui se demande si leur animatrice va aussi bien qu’elle le dit. Sans nier le gouffre de souffrance qui les sépare, elle lit ses angoisses dans le regard de ceux à qui elle est censée apporter son soutien. Le vrai et le faux, l’art et la vie, le contrôle et le lâcher-prise, le dedans et le dehors, tout s’entremêle dans ce chemin qu’elle parcourt avec ses compagnons de détresse, où l’on croise aussi Virginia Woolf, Ionesco, Prévert, Stevenson. Jusqu’à avoir le sentiment de basculer de l’autre côté du miroir. C’est un nouveau monde qui se dévoile alors, où les faux-semblants, les conventions sociales, les zones de confort s’évanouissent.
 
Dans ce remarquable récit, aussi puissant que ses personnages sont fragiles, émouvant mais dépourvu de pathos, Nathalie Skowronek nous fait remettre en question une certaine idée de la normalité.

Evaluation :

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