mardi , 19 mars 2024

Le bouc émissaire

Auteur: Daphné Du Maurier

Éditeur: Le Livre de Poche – 2014 (480 pages)

Lu en novembre 2020

Mon avis: John, Anglais, professeur d’histoire française à Londres, termine ses vacances en France. Au buffet de la gare du Mans, il rencontre Jean de Gué, châtelain de la région, de retour d’un séjour à Paris. Une rencontre fortuite et extraordinaire, car les deux hommes sont de parfaits sosies. Revenus de la surprise de se trouver face à un autre soi-même, ils font connaissance, discutent. John, mal dans sa peau, ne sait pas quoi faire de sa vie, personne ne l’attend à Londres, il se voit comme un raté. Jean, lui, est attendu impatiemment par son étouffante famille, et rêve de prendre le large. La vie de John lui semble idéale, alors il finit par le droguer et lui voler ses affaires, puis s’en va. Au réveil, John comprend la supercherie, mais par lâcheté, facilité ou désespoir, se résigne à endosser l’identité de Jean et la vie compliquée de celui-ci. Malgré d’inévitables faux pas et bizarreries, tout le monde n’y voit que du feu, jusqu’au moment où un drame et une aubaine font ressortir du bois le vrai Jean de Gué.

Moi qui avais beaucoup aimé « Rebecca », je suis restée sur ma faim avec ce « bouc émissaire ». De manière générale, je trouve que la substitution d’identité est une idée de départ prometteuse parce que fascinante. Mais le problème ici, c’est le manque de crédibilité, parce que la substitution n’est pas volontaire mais forcée, et qu’on se demande pourquoi John accepte aussi facilement de s’embourber dans la tromperie. Et puis, aussi francophone qu’il soit, il faudrait admettre qu’il n’est jamais trahi par sa langue maternelle, un accent, une expression, une tournure de phrase, un juron ?

Bon, admettons. Admettons aussi qu’en à peine une semaine, John ait compris le fonctionnement de la maisonnée, retenu le nom de tout le monde, intégré son personnage. Mais que fait-il donc là, constamment tiraillé entre son sentiment d’imposture et l’envie ou le besoin de réparer les torts de son prédécesseur, entre le sentiment que ces gens et leurs vies lui sont étrangers et qu’il ne leur doit donc rien, et celui qu’il s’accroche ou s’attache à eux parce qu’il ne lui reste rien d’autre au monde?

J’ai trouvé que tout cela sonnait assez faux, et la tension du début ne résiste pas longtemps, tant on a l’impression que John va s’installer à demeure dans sa nouvelle vie et que cela va se terminer en conte de fées. Mais bien sûr, c’est du Daphné Du Maurier, donc le suspense revient, mais pour déboucher sur une fin que j’ai trouvée bâclée et frustrante, même si elle était vaguement prévisible. Une déception.

Présentation par l’éditeur:

Hitchcock, qui s’est inspiré à plusieurs reprises de l’œuvre de Daphné Du Maurier, n’a jamais porté à l’écran Le Bouc émissaire – que l’on jurerait pourtant avoir été écrit pour lui : en façade, bonnes manières et respectabilité ; en coulisses, cruauté, noirs calculs, goût marqué pour les confidences inavouables.
On lit ce récit – fondé sur une assez affolante substitution d’identité – en gardant le souffle court ; avec le sentiment rare de tenir entre ses mains un pur concentré de vertige. Une œuvre plus ambitieuse et plus riche qu’il n’y paraît, possédée par les thèmes du bien et du mal, de la rédemption et de l’identité.

Evaluation :

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