Auteur: Horacio Castellanos Moya
Editeur: Métailié – 2018 (112 pages)
Lu en mai 2019
Mon avis: En espagnol, on dirait, à propos d’Edgardo Vega, le narrateur : « Qué exagerado, cómo se está pasando el tío »*.
Pourtant, il faut le comprendre, ce pauvre Vega. Voilà 18 ans qu’il a quitté le Salvador, son pays natal, pour émigrer au Canada, dont il a acquis la nationalité sous le nom de Thomas Bernhard. Lui qui pensait ne jamais remettre un orteil dans son pays abhorré, il se trouve aujourd’hui contraint d’y retourner au décès de sa mère, sans quoi il n’obtiendra pas sa part d’héritage.
On le découvre à San Salvador, assis dans un bar en compagnie de son ami Moya, l’auteur. Et on assiste avec ce dernier à un long monologue furieux, litanique et répétitif, où Vega s’en prend impitoyablement à la bêtise et au mauvais goût de ses ex-compatriotes, à leur mesquinerie et leur vanité, au goût infect de la bière locale, aux moustiques et à la chaleur, à la musique débile du bar, au pays lui-même avec toute sa corruption, ses guerres, ses dictatures et sa criminalité, et même à sa propre famille cupide et décadente. Bref, pour lui, tout au Salvador est dégénéré et il n’aspire qu’à monter dans l’avion qui le ramènera pour toujours au Canada, ou ailleurs, mais pas dans ce pays de fous.
Et donc, à cette lecture, on comprend bien le sous-titre « Thomas Bernhard à San Salvador« , tant ce texte est un exercice d’imitation de/un hommage à l’Autrichien rageur (que je n’ai jamais lu, honte à moi). Edgardo Vego éructe, hurle, déteste et vomit son pays et ses habitants dans des flots de bile. Ce livre qui ne connaît pas la demi-mesure est écrit à l’acide sulfurique. Critique féroce qui tend à l’universel quand elle décrie les régimes politiques non démocratiques et la surconsommation, il s’en dégage évidemment beaucoup de noirceur, mais aussi une énergie contagieuse, une sorte d’élan vital désespéré à l’idée de rester coincé dans ce pays fangeux. Un tour de force impressionnant, génial et jouissif qui a, paraît-il, valu des menaces de mort à l’auteur. Les Salvadoriens n’auraient-ils pas le sens de l’humour ?
*Il exagère, ce type dépasse les bornes.
Présentation par l’éditeur:
Après dix-huit ans d’exil au Canada, Edgardo Vega revient au Salvador pour l’enterrement de sa mère. Ici, tout le révulse, la bière, les moustiques, la politique, la corruption, sa famille… Face à son vieil ami Moya, il s’en prend avec fureur à son pays gangrené par la cupidité et l’étroitesse d’esprit.
Un livre culte.