Auteur: Nikolai Gogol
Editeur: J’ai lu – 2005 (76 pages)
Lu en novembre 2017
Mon avis: La littérature russe classique n’étant pas ma tasse de thé, j’y vais à petites doses. En l’occurrence une dose carrément homéopathique avec ces deux courtes nouvelles de Nikolai Gogol.
« Le manteau », d’abord. Saint-Pétersbourg, 19ème siècle, dans le dédale de couloirs de l’administration, Akaki est un obscur petit fonctionnaire mal payé parmi tant d’autres, dont le travail consiste à recopier des piles infinies de documents officiels. Modeste petit soldat de la bureaucratie, jamais un mot plus haut que l’autre, jamais une virgule qui dépasse, un vrai moine-copiste. Bien qu’il s’évertue à raser les murs, tout insignifiant soit-il, il est cependant l’objet des railleries de ses collègues. L’hiver approchant, il se lance dans le projet de sa vie : économiser sou à sou pour se faire tailler un nouveau manteau, qu’il imagine somptueux. Une ambition qui lui coûtera cher…
« Le nez », ensuite. Un nez baladeur, qui se retrouve un beau matin dans un petit pain sorti du four pour le petit-déjeuner, puis jeté dans la rivière, et au même moment au milieu du visage d’une personnalité importante de l’administration. Tout ceci pendant que son propriétaire légitime s’affole de se voir au saut du lit sans son appendice, pour son grand malheur de coureur de jupons : « Pensez donc, comment vivre sans une partie du corps aussi en vue ? (…) Je vais les jeudis chez la femme du conseiller d’Etat, Mme Tchektyriev ; Mme Podtotchina, femme d’officier supérieur et qui a une très jolie fille, est aussi de mes connaissances, et pensez donc vous-même, comment ferais-je maintenant ? …Je ne peux plus me montrer chez elles ». Et le voilà, camouflé sous un cache-nez, qui court à travers la ville, de la police au bureau des annonces et qui tombe (sans) nez à nez avec celui-ci au détour d’une rue.
Deux petits textes, dans lesquels percent pourtant beaucoup de critiques. Dans « Le manteau », Gogol mêle réalisme et fantastique et dézingue joyeusement la bureaucratie russe, faite de fonctionnaires miséreux, de hiérarchie inepte et de mesquinerie générale. Dans « Le nez », il fait du Kafka avant la lettre et dénonce par l’absurde l’importance excessive accordée aux apparences. Pathétiques ou loufoques, peu de ces personnages évitent le ridicule sous sa plume caustique.
Au final, dans un style fluide et enlevé, une dose homéopathique qui fait du bien.
Présentation par l’éditeur:
» Il ne se souciait aucunement de son habit : son uniforme n’était pas vert mais d’une couleur tirant vaguement sur le roux farineux. Le col en était si étroit et étriqué que son cou, bien qu’il ne l’eût point long, paraissait proprement démesuré lorsqu’il en émergeait […]. Immanquablement, des choses se collaient à son uniforme : tantôt un brin de paille, tantôt un bout de fil, et il avait en outre l’art tout particulier, lorsqu’il était dans la rue, de passer sous une fenêtre juste au moment où l’on en déversait toutes sortes de saletés, si bien qu’il transportait perpétuellement sur son chapeau des épluchures de pastèque ou de melon et autres sornettes du même genre. La vie d’Akaki Akakievitch, bornée à l’univers étroit de son travail au ministère, se trouve bientôt métamorphosée par un projet invraisemblable : l’acquisition d’un manteau neuf…
Ecrivain russe, Nicolas Gogol (1809-1852) trace le portrait brillant et singulier de personnages souvent décalés ou empreints d’angoisse. Il est l’auteur de romans, de pièces de théâtre et de récits fantastiques.
Je n’ai pas de vraie passion non plus pour la littérature russe, mais j’avoue avoir beaucoup aimé ces nouvelles que j’ai gardées intactes en mémoire.