jeudi , 3 octobre 2024

L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir

Auteur: Rosa Montero

Editeur: Métailié – 2015 (180 pages)

Lu en avril 2019

Mon avis: Coup de cœur et – chez moi c’est souvent lié – coup au cœur. Rien que le titre… On y ressent toute l’incrédulité, le déni, la détresse face à la mort de l’être aimé.
En l’occurrence, le point de départ de ce livre est la réédition du journal de Marie Curie, qu’elle a tenu après la mort de son époux, Pierre Curie. L’éditrice de Rosa Montero lui a demandé d’en écrire la préface, dans un moment où celle-ci ne s’était pas encore remise du décès de son mari après une longue maladie. Rosa Montero, plongée dans cette douleur depuis quatre ans, n’arrive plus à écrire. Mais le journal de Marie Curie, d’effet miroir en coïncidences, va l’entraîner dans un flot d’émotions et d’interrogations sur la mort et le deuil mais aussi l’amour, la vie, la culpabilité, le devoir, la science, les relations hommes-femmes, le pouvoir des mots et de l’imagination. Elle reprend alors la plume et retrace le parcours hors du commun de Marie Curie, une femme brillante et courageuse, souvent bridée par le sexisme de son époque. Elle raconte son amour indéfectible pour Pierre, qui le lui rend bien, et du deuil insurmontable qui la frappe quand celui-ci meurt absurdement, renversé par une carriole. Mais ce livre est bien plus qu’une biographie, parce que Rosa Montero nous parle aussi de sa propre histoire, de la perte terrible qu’elle subit à la mort de Pablo, de ses propres étapes de deuil (qui ne correspondent pas forcément à celles que ses amis ou les bouquins de développement personnel expliquent en théorie), des souvenirs qui ne s’effacent jamais mais qui, avec le temps, font doucement une place à la légèreté, à la joie de vivre, même si « dans ma tête, il est tout entier« .
Dans ce parallélisme entre les deuils subis par Rosa Montero et Marie Curie, ce livre vogue donc entre les souvenirs personnels de la première et la biographie d’une scientifique exceptionnelle. Loin de larmoyer sur son sort, l’auteure ne reste pas coincée dans sa douleur, elle avance, désormais bien consciente de la mortalité de l’être humain et de la brièveté de la vie dont, par conséquent, il faut s’efforcer de jouir avant qu’il soit trop tard.
Ce livre génial, bourré de réflexions magnifiques sur la vie, la place des femmes, la douleur, respire l’authenticité : dans son propos, Rosa Montero est désarmante de simplicité, de sincérité, de fougue et de tendresse. Pour elle, l’écriture est vitale : « un satané enfer, parce qu’en perdant l’écriture, j’avais perdu le lien avec la vie« . Ou encore : « Pour vivre, nous devons nous raconter. Nous sommes un produit de notre imagination« . Quand un écrivain (se) raconte avec une écriture qui vient du cœur, moi c’est là que ça me touche.

Présentation par l’éditeur:

Chargée d’écrire une préface pour l’extraordinaire journal que Marie Curie a tenu après la mort de Pierre Curie, Rosa Montero s’est vue prise dans un tourbillon de mots. Au fil de son récit du parcours extraordinaire et largement méconnu de cette femme hors normes, elle construit un livre à mi-chemin entre les souvenirs personnels et la mémoire collective, entre l’analyse de notre époque et l’évocation intime. Elle nous parle du dépassement de la douleur, de la perte de l’homme aimé qu’elle vient elle-même de vivre, du deuil, de la reconstruction de soi, des relations entre les hommes et les femmes, de la splendeur du sexe, de la bonne mort et de la belle vie, de la science et de l’ignorance, de la force salvatrice de la littérature et de la sagesse de ceux qui apprennent à jouir de l’existence avec plénitude et légèreté.
Vivant, libre, original, ce texte étonnant, plein de souvenirs, d’anecdotes et d’amitiés nous plonge dans le plaisir primaire qu’apporte une bonne histoire. Un récit sincère, émouvant, captivant dès ses premières pages. Le lecteur sent, comme toujours avec la vraie littérature, qu’il a été écrit pour lui.

Une citation:

– Dans l’enfance, nous sommes toujours sur le point de mourir, métaphoriquement parlant. Ou, pour le moins, que certaines de nos branches meurent ou soient mutilées. Nous grandissons comme des bonsaïs, torturés, élagués et rapetissés par les circonstances, les conventions, les préjugés culturels, les impératifs sociaux, les traumas infantiles et les attentes familiales. #HonorerSesParents.

Evaluation :

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4 commentaires

  1. Une belle critique qui donne largement envie de se plonger dans cet ouvrage. Merci !

  2. J’ai adoré ce bouquin ! C’est tellement beau et sensible ! <3