mardi , 14 mai 2024

Loin des mosquées

Auteur: Armel Job

Editeur: Pocket – 2014 (264 pages)

Lu en avril 2019

Mon avis: Ça commence par un bête accident de corbillard sans gravité (ou plutôt avec une gravité à retardement) sur la route entre Bruxelles et les Ardennes belges, et ça se termine par une virée/cavale à Fribourg, même si le premier de ces événements est en réalité la conséquence du second. Et entre les deux, on nous raconte quelles ont été les causes qui ont mené à cette conséquence.
Or donc, nous avons Evren, jeune homme vivant à la Tannerie, quartier turc d’une petite ville belge. Aujourd’hui, Evren se marie, mais pas de gaieté de cœur, avec sa cousine Yasemin, qui vient de débarquer de son village d’Anatolie. Un mariage arrangé par la famille, Yasemin est ravie, Evren se désintéresse de l’affaire, anesthésié par son amour déçu pour son autre cousine, Derya. Derya, née en Allemagne, dans une famille turque très traditionaliste, qu’Evren a demandée en mariage, et qui a été éconduit par la belle, laquelle a ensuite changé d’avis, mais trop tard. Pourquoi ce revirement inattendu ? Pour une question d’honneur de la famille, honneur qu’il conviendra de sauver ou de laver à tout prix, y compris dans le sang.
Loin des mosquées est une incursion dans la communauté turque immigrée, qui oscille entre, d’une part, traditions et honneur à protéger, et d’autre part volonté d’intégration et de liberté, une situation complexe qui conduit parfois au drame. Ce roman nous est raconté à quatre voix. A celles d’Evren, de Yasemin et de Derya s’ajoute celle de René, croque-mort (le conducteur du corbillard susmentionné) et regard extérieur à ces traditions qui le dépassent, mais embringué malgré lui dans des tourments familiaux qui basculent vers le thriller.
J’ai lu ce texte quasiment d’une traite. Cette histoire tragi-comique est drôlement bien construite, avec l’alternance des points de vue et les questionnements et comportements des uns et des autres, qui m’ont tous semblé très crédibles et réalistes. L’histoire serait presque rocambolesque s’il n’y avait pas ce triste contexte du sort peu enviable de ces (jeunes) femmes coincées dans un carcan patriarcal d’interdits ancestraux et intangibles.
Loin des mosquées est mon premier roman d’Armel Job, et je dois cette découverte aux nombreux avis positifs lus sur Babelio (merci les ami.e.s !). Premier, mais donc pas dernier 🙂

#LisezVousLeBelge

Présentation par l’éditeur:

A la Tannerie, le quartier turc de cette ville des Ardennes belges, on marie Evren, l’ancien gardien de but du Sporting. Etrange et grave cérémonie que ce mariage arrangé où le bonheur, comme le soleil, semble absent. C’est qu’Evren, le marié, rêve encore de sa cousine Derya – Derya la farouche, la sauvage, Derya la sultane qui l’a refusé…

Les traditions et l’honneur familial sont saufs. Mais, malgré l’interdit, la liberté n’a pas dit son dernier mot…

Une citation:

– Je me suis longtemps demandé ce qu’Altan avait bien pu lui trouver. Tout bien pesé, je pense que c’était sa docilité. Elle ne quittait jamais sa maison, elle le traitait comme un pacha. Ce soir-là, elle s’était à peine assise. Elle n’abandonnait ses fourneaux que pour nous servir, passait derrière nous, frôlait à chaque fois Altan – qu’elle n’appelait qu’Altani – , se posait un instant à un coin de la table pour picorer, l’œil sur nos assiettes, sans se mêler à la conversation autrement que pour rire des plaisanteries de son homme. En fait, elle était plus turque que n’importe quelle Turque. C’est cela, je crois, qu’Altan recherchait. A la Tannerie [quartier turc d’une ville belge], il n’avait repéré aucune fille qui pourrait lui être soumise à ce point. Rien qu’à voir Sandra, son corps évasé comme une bouteille de Coca-Cola, sans aucune aspérité du menton jusqu’aux pieds, ses yeux d’otarie, il avait deviné qu’elle ferait son affaire. Et elle, après tout, elle n’avait peut-être pas envie d’être une femme occidentale, libérée, obligée de passer par une cure d’amaigrissement, d’être caissière ou standardiste, de se tordre les pieds sur des hauts talons. Son idéal, inavouable chez les siens, elle le réalisait dans sa dévotion à Altan. Auprès des vraies femmes occidentales, il n’aurait pas eu plus de chance que moi.

Evaluation :

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4 commentaires

  1. C’est un de mes romans préférés de l’auteur. Je te conseille « Tu ne jugeras point ».