jeudi , 25 juillet 2024

Aux Etats-Unis d’Afrique

Auteur: Abdourahman A. Waberi

Editeur: Actes Sud Babel – 2008 (187 pages)

Lu en août 2015

aux états-unisMon avis: C’est l’idée à la base de ce livre qui m’a poussée à le lire. Imaginez un peu : le monde contemporain dominé non par la superpuissance américaine et sa petite soeur européenne, mais par une fédération réunissant tous les états d’Afrique, regroupés sous la bannière du Grand Capital, tandis que les autres continents sont frappés par la misère et des guerres sans fin. Imaginez des vagues de réfugiés, non pas syriens, afghans ou somaliens, mais français, belges, canadiens ou suisses, à l’assaut de la Méditerranée, espérant accoster, non à Lampedusa ou à Kos, mais à Tripoli, Tanger ou Alexandrie. Voilà un postulat de départ qui promettait, me semblait-il, une analyse originale (et donc intéressante) et peut-être même amusante de nos liens avec le continent noir.
Par la technique de l’inversion, l’auteur a donc tenté de donner corps à une fable sur les rapports Sud-Nord, riches-pauvres. Je dis « tenté », parce qu’au final, j’ai trouvé tout cela assez inabouti, un canevas peu étoffé dans lequel l’auteur semble se contenter, purement mais trop simplement, de renverser les rôles, sans autre originalité que quelques références à l’élite culturelle et politique africaine, et quelques « traductions » de marques populaires dans nos contrées (McDiop, Néguscafé, Papesy,…), et sans faire passer de message compréhensible (en tout cas pour moi). Et, comme pour donner un peu de densité à un récit plutôt décharné, l’auteur y greffe une quête des origines : Maya, jeune fille française adoptée des années auparavant par un riche médecin africain, la sauvant ainsi d’une vie d’indigence, sait que sa mère biologique est toujours vivante, et part à sa recherche dans un Paris dévasté. Mais la sauce ne prend pas, le mélange entre d’une part, poésie et onirisme, et d’autre part un humour un peu forcé qui finit par en perdre son comique, n’est pas harmonieux. le tout donne une impression de confusion, on ne sait pas où on va, ni ce que l’auteur a voulu dire : portrait acide du capitalisme sans doute, célébration de la culture africaine, mais veut-il critiquer l’Euramérique et s’en « venger » en lui infligeant le sort actuel de beaucoup de pays d’Afrique ? ou se moque-t-il des dirigeants africains qui finissent par tomber dans les mêmes excès que leurs homologues occidentaux ? Je n’y ai pas vu très clair, et je me suis beaucoup ennuyée, ce qui est difficile à pardonner à un livre… Décevant.

Présentation par l’éditeur:

Dans ce monde qui aurait pu être le nôtre, le continent africain est un pays de cocagne organisé en une florissante fédération d’Etats, un modèle inaccessible pour le reste du globe ravagé par les maladies, la famine, les guerres et l’enténèbrement des consciences. Des millions d’émigrants venus d’Euramérique risquent leur vie pour gagner cet Eldorado qui entoure de prévenance intellectuels, scientifiques, hommes d’affaires, artistes… mais ne peut accueillir toute la misère de la Terre. Née en Normandie, la blanche Maya a grandi à Asmara, capitale fédérale de l’Erythrée, dans la chaleureuse affection de Docteur Papa, le médecin humanitaire qui l’a adoptée. Ce roman raconte son histoire faite de bonheur, d’inquiétude, d’amour, d’art, de deuil… et d’un retour aux sources oubliées. Entre récit de politique-fiction, parabole malicieuse et conte voltairien, Aux Etats-Unis d’Afrique dénonce les injustices et les préjugés de notre monde tristement réel. Dans un style poétique au lyrisme exubérant, mêlant humour et gravité, Abdourahman A. Waberi récuse la notion de fatalité en illustrant la réversibilité de l’histoire.

Né en 1965 à Djibouti, Abdourahman A. Waberi est l’auteur d’une oeuvre saluée par la critique, récompensée par de nombreux prix et traduite en plusieurs langues. Il a notamment publié Le Pays sans ombre (Le Serpent à plumes, 1994), Cahier nomade (Le Serpent à plumes, 1996), Balbala (Le Serpent à plumes, 2000) et Transit (Gallimard, 2003).

Une citation:

« Les enfants, d’où qu’ils viennent, n’appartiennent pas à leurs géniteurs, à leurs parents. Ils s’appartiennent, c’est tout. Ils enchantent nos âmes lasses. Ils naissent, glissent sur des parquets d’acajou ou se vautrent dans la poussière, grandissent, partent, font à leur tour des enfants qui ne leur appartiennent pas, puis meurent. Qu’ils dorment sous les dalles mauresques, dans des palaces dahoméens ou à la belle étoile ne change rien à l’affaire. Le lieu de naissance n’est qu’un accident; la vraie patrie, on se la choisit avec son corps et son coeur. On l’aime toute sa vie ou on la quitte tout de suite ».

Evaluation :

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3 commentaires

  1. Situation inversée mais problèmes identiques !

  2. Une belle idée en tout cas, qui donne quand même envie d’y mettre son nez (ou son œil), quand on s’intéresse à ces questions (cf par exemple Eldorado de Gaudé ou, sur mon blog, les romans de Pavel Hak).

  3. D’accord avec tous les deux, c’est le style auquel je n’accroche pas (pour le moment).
    Je ne connais pas Pavel Hak, m’en vais faire un tour sur ton blog, Philippe, merci pour l’info 😉