jeudi , 3 octobre 2024

La ballerine aux gros seins

Auteur: Véronique Sels

Editeur: Arthaud – Rentrée littéraire hiver 2018 (233 pages)

Lu en janvier 2018

Mon avis: Dextre et Sinistre sont deux seins. Dès leur naissance, ces deux jumeaux sont dotés d’un solide bon sens et d’un appétit de vivre tout aussi costaud. Epicuriens en devenir, ils attendent impatiemment le moment où ils pourront s’épanouir plantureusement dans le giron de leur « hôtesse », et profiter à pleine peau des plaisirs de la vie et surtout du toucher. Mais ils sont plutôt mal tombés. Barberine, leur hôtesse, n’a qu’une obsession, depuis sa naissance aussi (et même avant) : devenir ballerine. Et c’est bien connu, une ballerine, c’est grand, mince et… plat. Parce qu’elle se doit d’être aérienne et que des seins volumineux (« féminins ») la plombent dans sa lutte contre l’attraction terrestre. Menacée par le gène du sein lourd mais têtue comme une planche à pain, Barberine se donne les moyens de ses ambitions : régime strict (qui la conduit à l’hôpital), bandage écrasant (qui la mène chez le dermato), chirurgie… Mais Dextre et Sinistre ne  s’affaissent pas, ne se laissent pas tomber. Disposant d’au moins autant de volonté que leur hôtesse, tels des Phénix bien en chair, ils renaissent chaque fois de leurs cendres, images de la Nature triomphante tous tétons dehors.

Récit dans lequel Barberine puis ses seins s’expriment à tour de chapitre, cette fable est chorale mais cacophonique, puisque l’hôtesse est littéralement sourde aux exhortations de ses attributs et ne chante pas la même partition qu’eux : la litanie classique de l’esprit contre la mélopée baroque de la chair, la Raison sage contre la Nature exubérante. Ce roman qui nous emmène, de Bruxelles à New York, en balade dans l’univers de la danse classique corsetée dans ses codes puis de la danse moderne synonyme de libération, est virevoltant et original, globalement amusant malgré un vocabulaire précieux et des séries d’énumérations un peu lassants à la longue. Et puis la fin, où ces deux sacrés jouisseurs de Dextre et Sinistre voient leur raison d’être (et de vivre) réduite à leur fonction nourricière, me laisse un goût amer…

Merci aux Editions Arthaud et à Babelio pour cette opération Masse critique (qui n’a jamais aussi bien porté son nom) privilégiée.

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Présentation par l’éditeur:

Barberine s’entraînait déjà dans le liquide amniotique. C’est dire si sa détermination à devenir ballerine était entière. Mais la discipline est militaire. Le parcours, semé d’embûches. Sans compter qu’à tout moment, le gène du sein lourd menace. Et voilà que ses seins, Dextre et Sinistre, prennent voix. Un chant choral se met en place. C’est leur récit contre celui de Barberine. Parcours initiatique de la danse classique à la danse post-moderne de Bruxelles à New York, fable anatomique, critique de la raison mammaire, manifeste à trois voix, le roman questionne notre rapport au corps féminin et la place qui lui est donnée dans la société occidentale. Après pareil voyage au nord, au sud, à l’est et à l’ouest de notre anatomie, il est fort à parier que vous ne regarderez plus jamais un sein comme avant. Car si l’esprit parfois prend des détours, chair ne saurait mentir.

Quelques citations:

– On ne fait pas de danse classique quand on est réaliste. On fait du judo. Ou du secourisme.

– La rue est déserte à l’exception de quelques maîtres accompagnant leur chien dans l’exercice délicat de la défécation matinale.

– Je ne vous comprends pas, mademoiselle Blin, toutes les femmes rêvent d’avoir de gros seins.
Cette phrase, qui voudrait nous convaincre que nous ne sommes vraiment femme que munies de deux bouées d’amarrage suspendues à nos flancs, je l’entendrai toute ma vie, principalement de la bouche des femmes elles-mêmes.

Evaluation :

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2 commentaires

  1. Je ne suis pas convaincue par le thème, enfin par le procédé. On peut parler des atouts féminins plus simplement il me semble…