Auteur: Sophie Mousset
Editeur: Editions Nevicata – 2017 (90 pages)
Lu en juin 2017
Mon avis: Le Kurdistan, c’est cette région montagneuse du Moyen-Orient, à cheval sur la Turquie, la Syrie, l’Iran et l’Irak. Une nation avec une histoire, une culture et une langue communes, mais un non-Etat. Tout juste le Kurdistan d’Irak est-il reconnu par le pouvoir central comme une région autonome, et encore, c’est un peu par hasard : si Saddam Hussein n’avait pas envahi le Koweït en 1990, les USA ne seraient pas intervenus dans le conflit et n’auraient pas forcé le dictateur à reconnaître la région kurde dans la Constitution irakienne de 2005.
Au fil des siècles, chacun des quatre Etats précités a, à un moment donné, cherché à éliminer les Kurdes de son territoire, quitte à provoquer un génocide (opération Anfal en Irak en 1988). Face à ces violences exercées par les pouvoirs centraux, les Kurdes ont toujours résisté, par la poésie ou la violence (les combattants peshmergas sont « ceux qui regardent la mort en face ») : « la résistance fonde en grande partie l’identité de la nation kurde » (N. Begikhani) ou « la fierté des Kurdes c’est le refus de la soumission » (H. Saleem). Aujourd’hui ils affrontent Daech et son obscurantisme, et rêvent d’un Etat kurde indépendant, pourtant encore très loin d’advenir.
C’est ce destin tragique et cette résistance qui ont dû marquer l’auteure, qui donne à mon humble avis une image un peu trop romantique de ce peuple, apparemment fascinée par son courage, sa fierté, son sens de l’accueil et de l’autodérision, son irréductibilité (ce mot revient au moins quatre fois en à peine 50 pages). Par ailleurs, ce « récit-décodeur » m’a paru à la fois trop rapide ou trop détaillé, déconnecté de l’actualité, et dépourvu de fil conducteur, un assemblage de fragments laissant une impression un peu brouillonne. Certes le format imposé est court (environ 50 pages et 3 entretiens), mais d’autres auteurs de la collection (notamment C. Braeckman dans Congo-Kinshasa) sont parvenus à concentrer leur ressenti dans un récit bien plus balancé, captivant et englobant de nombreux aspects de leur sujet. Ici, le texte est trop personnel, avec le risque d’être partial. Les entretiens de la deuxième partie sont heureusement plus intéressants.
Merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions Nevicata (collection L’âme des Peuples).
Présentation par l’éditeur:
Les Kurdes sont loups et bergers. Leur sens de l’hospitalité n’a d’égal que leur caractère de montagnards trop souvent contraints par l’histoire de lutter pour leur liberté.
Redoutable défi, donc, que ce petit livre publié à l’heure où le Kurdistan, dans l’ombre de la guerre qui ensanglante la Syrie et l’Irak, s’efforce d’offrir un destin à ce peuple éclaté entre plusieurs pays.
Le Kurdistan est fait d’hommes et de femmes, de pierres, de poussière et de vent. Le soleil et le froid y marquent les corps et les âmes. Mais le Kurdistan n’est pas que tragédie. La danse et le goût de la fête font resurgir la sève des montagnes.
Ce petit livre n’est pas un guide. C’est un décodeur. Il nous raconte, avec les mots de la passion et l’exigence de la vérité, cette société qui apprend aujourd’hui à s’ouvrir. Parce qu’on ne comprend pas le peuple kurde sans l’aimer. Et sans le regarder en face.
Un grand récit suivi d’entretiens avec Frédéric Tissot, Nazand Begikhani et Hiner Saleem.
Un petit livre pour faire connaissance…