Auteur: Khadija Delaval
Editeur: Calmann-Lévy – 17 août 2022 (208 pages)
Lu en septembre 2022
Mon avis: Baya, la narratrice, est une jeune fille tunisienne née dans un milieu aisé. Pendant l’année, elle vit à Genève avec ses parents et ses sœurs mais, une fois l’été arrivé, elle va passer les vacances chez sa grand-mère à Hammamet, avec une flopée de cousins et cousines, avec ou sans les parents, dans une atmosphère libre et extravagante.
Cet été-là, Baya a douze ans et a ses règles pour la première fois. Elle savait que cela lui arriverait un jour, mais ne comprend pas réellement la portée de ce qui se passe, sa mère est à Genève, et ses tantes et sa grand-mère ne parviennent pas à la rassurer totalement. Baya comprend néanmoins qu’elle est désormais admise dans le cercle des « grands », qu’elle peut rester tard le soir avec les adultes et sortir avec ses cousins et cousines plus âgés.
Elle perçoit aussi qu’on (surtout les hommes) la regarde autrement, et, à la fois flattée et méfiante, ne sait pas trop comment interpréter ce changement d’attitude à son égard. Elle passe ainsi, sans transition et sans soutien, du monde de l’enfance à celui, plus trouble, des adultes, dans une catégorie d’âge où elle est la seule de la famille à se trouver, trop grande pour jouer avec les petits mais encore loin d’être aussi mature que ses cousins plus âgés.
Alors que les adultes se contentent de pourvoir à l’intendance sans trop se soucier de leur progéniture, les jeunes sont livrés à eux-mêmes, et certains ne s’en privent pas pour jouer à des jeux malsains et violents. Baya en sera la victime, mais elle n’en dira rien, faute d’avoir quelqu’un à qui se confier et faute d’avoir compris le sens de ce qu’elle a subi. Sans compter les non-dits, les tabous et les injonctions faites aux femmes, tout cela transmis de génération en génération depuis trop longtemps et sans l’ombre d’une remise en question, pour ne pas heurter l’honneur et les traditions.
« La nièce du taxidermiste » est un roman initiatique dur et dérangeant, dans lequel la narratrice, qui semble très froide et détachée, met du temps à comprendre la violence de ce qui lui arrive, persuadée qu’elle est forcément coupable de quelque chose. Le contexte socio-culturel et l’aspect psychologique sont très bien décrits, et le roman montre bien l’hypocrisie d’un milieu ou d’une société où la vie est apparemment libre et chaleureuse, mais où l’envers du décor révèle une réalité cruelle dans laquelle des parents insoucieux négligent de prendre soin de leurs enfants.
En partenariat avec les Editions Calmann-Lévy.
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Présentation par l’éditeur:
Comme chaque année, Baya, ses sœurs et une ribambelle de cousins passent leurs grandes vacances à Hammamet. C’est pour elle l’été de tous les bouleversements. Véritable défi à la modération, cette famille est un univers où il est à la fois drôle, attachant et dangereux de naviguer. Les luttes de pouvoir s’exercent, y compris entre les enfants, dans l’indifférence totale des adultes. Sous le joug de cousins plus âgés, Baya vit des moments d’autant plus douloureux qu’en l’absence de sa mère elle ne peut se confier à personne.
Trébuchant mais découvrant aussi sa propre force, Baya va traverser cette mer de difficultés, d’injonctions silencieuses et de tabous transmis de génération en génération, et en sortir en tous points grandie.
Roman initiatique, La Nièce du taxidermiste nous offre une puissante et tendre évocation de ce qui attend les femmes dans la grande aventure de leur corps et de leur identité.