jeudi , 21 novembre 2024

L’amant de Patagonie

Auteur: Isabelle Autissierchallengeabc20162017

Editeur: Le Livre de Poche – 2013 (240 pages)

Lu en octobre 2016 (Challenge ABC 2016-2017 de Babelio)

lamant-de-patagonieMon avis: Il y a moins d’un an, j’embarquais mes godasses de rando, destination la Patagonie, Ushuaïa et le canal de Beagle, au bout du bout du monde.
Le 26 mars 1880, Emily, seize ans et orpheline, charge sa « petite malle sur la diligence de Glasgow, en route vers le Nouveau Monde ». Destination : Ouchouaya, à l’époque petite mission évangélisatrice composée de quelques catéchistes, implantée au milieu des Indiens Yamanas.
A l’arrivée, la foudre a frappé, tant pour moi que pour Emily. Les montagnes, la mer, les glaciers, les arbres pliés par le vent, la végétation rare mais tenace, les sommets enneigés, le soleil, la pluie, le ciel… On ne peut résister à cette beauté intimidante, parfois flamboyante, parfois glaciale, fascinante.
La comparaison s’arrête là, j’en suis revenue après trois semaines de voyage, Emily ne sait pas combien d’années elle y passera. Mais peu lui importe, avide de nature et d’indépendance, elle a choisi de se lancer dans cette aventure. Destinée au poste de gouvernante des enfants du pasteur d’Ouchouaya, elle découvre les Yamanas, les « sauvages », qu’elle trouve tout d’abord hideux. Ceux-ci se sont regroupés autour de la mission, travaillant pour les colons – pardon, les missionnaires, contre de la nourriture et des vêtements, quitte à abandonner leur mode de vie ancestral et à oublier leurs techniques de pêche. de cours d’anglais en distribution de chiffons, Emily apprend à connaître et à apprécier les Yamanas. Surtout Aneki. La foudre frappe à nouveau, mais l’histoire est impossible et s’achève inévitablement en drame.
Au-delà de cette histoire d’amour improbable, il s’agit surtout de la confrontation entre « état de nature » et « civilisation », qui tourne au profit de cette dernière. Avec ses bons sentiments, son « progrès », ses maladies, son alcool, sa surexploitation des ressources ou, au besoin, sa puissance de feu, elle anéantit les rares velléités de résistance des Yamanas, mais aussi des Onas ou des Alakalufs, aboutissant, en quelques décennies, à une extermination presque totale.
Désabusé, ce plaidoyer pour un respect de la Nature montre l’attachement de l’auteur pour cette mythique Terre de Feu, faite aussi d’eau et de vent, et ses doutes pour l’avenir d’Ushuaïa, « ville-pieuvre », qui repousse ses pauvres « en haut dans des taudis qui mitent les bois des collines ».
Il y a moins d’un an, je traînais mes godillots autour d’Ushuaïa, émue par les paysages grandioses, malgré les glaciers qui reculent et qui menacent l’approvisionnement en eau d’une ville qui ne cesse de s’étendre. Quel gâchis… Et comme il est étrange de lire que, pour les Yamanas, le blanc est la couleur du malheur…

Présentation par l’éditeur:

1880, alors que l’évangélisation décime le Nouveau Monde, Emily est envoyée en Patagonie en tant que « gouvernante » des enfants du révérend. Elle qui ne sait rien de la vie découvre la beauté sauvage de la nature, les saisons de froid intense et de soleil lumineux, toute l’âpre splendeur des peuples de l’eau et de la forêt. La si jolie jeune fille, encore innocente, découvre aussi l’amour, avec Aneki, un autochtone yamana. Alors, sa vie bascule. Réprouvée, en marge de la civilisation blanche, Emily fugue, rejoint Aneki et croit vivre une passion de femme libre. Jusqu’au drame.

Quelques citations: 

– Les Blancs ne savent pas éduquer mais seulement dresser. Ils croient que l’on peut dresser le tronc quand seul le vent lui donne sa forme et le plie pour lui apprendre à résister. L’arbre droit casse.

– Dieu a donné la terre aux hommes pour qu’ils la soumettent et la fassent fructifier. Cette nature est pleine de promesses. Toutes ces forêts qui ne demandent qu’à se transformer en bonnes et belles planches!

– Monsieur Hyades, vous pensez vraiment que c’est notre faute si les Indiens sont malades?
– Si vous voulez le fond de ma pensée, mademoiselle, je crois que oui. Mes mesures confirment que les Yamanas ont un volume de la boîte crânienne similaire au nôtre, donc théoriquement une même intelligence, mais il semble que la connaissance d’une civilisation beaucoup plus avancée que la leur provoque une surexcitation intellectuelle qu’ils ne sont pas à même de gérer. Pensez à tout ce qui doit leur paraître étrange, voire magique: nos bateaux, nos fusils, nos maisons, toutes nos façons de faire. Il s’ensuit un épuisement et une dégénérescence psychique qui provoque à son tour une dégradation physique qui les prédispose à la maladie. Ce qui explique pourquoi toutes les populations sauvages ont des taux de mortalité si importants dès que l’homme blanc apparaît.

– Les Blancs ne partiront jamais, ils viendront de plus en plus nombreux parce qu’ils aiment la terre et la mer d’ici et qu’ils trouvent de quoi remplir leurs bateaux et leurs maisons de pierre. Ils ont le coeur fait pour prendre et s’ils s’en vont un jour d’ici c’est qu’il n’y aura plus un oiseau dans le ciel ni un poisson dans la mer. Je les ai vus et j’ai compris. Quand ils n’ont plus faim, ils chassent encore, quand ils ont trop, ils ne donnent pas à ceux qui n’ont rien. Ils ne sont jamais en repos. Pourquoi sont-ils venus ici puisqu’ils disent qu’ils ont des terres, des plantes et des bêtes d’où ils viennent? Ils prétendent que leur Dieu leur a commandé. Je ne sais pas qui peut demander une chose pareille, mais ils ont le désir dans les yeux et cela les rend forts. Ils ont les fusils et leurs regards brillent quand ils les utilisent. Les Yamanas ne pourront rien, ni les Alakalufs ni même les Onas aux arcs puissants. Ils prendront tout ce qu’ils veulent prendre. Et il n’y aura pas de refuge pour nous car c’est ici, déjà, la fin de la terre.

Evaluation :

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3 commentaires

  1. Ça doit être génial de lire ce bouquin en ayant en tête les paysages de Patagonie !

  2. Un bien beau voyage sur ses terres encore sauvages… Hélas partout où l’homme blanc s’est installé, la misère pour les autres déjà en place a suivi…