Editeur: Grasset – 2017 (144 pages)
Lu en juin 2017
Mon avis: « Ici repose la génie d’Orient, leader de la Renaissance Arabe, idole littéraire et sociale. Priez pour son âme. La défunte May Ziadé ».
Telle est l’épitaphe d’une femme exceptionnelle, née à Nazareth en 1886, qui passa sa jeunesse au Liban avant d’emménager au Caire avec ses parents vers l’âge de 20 ans. Assoiffée de connaissance, de culture et de littérature, May Ziadé (dont le vrai prénom est Marie) deviendra, très jeune, poétesse, écrivaine, journaliste. Dans Le Caire des années 1910-1920, elle tiendra l’un des salons littéraires les plus courus d’Orient, réunissant les plus grands intellectuels et artistes du moment. On y discute de culture, évidemment, mais aussi de politique, en cette période troublée qui voit l’Egypte tenter de prendre son indépendance.
L’insolite destinée de May Ziadé est encore marquée de deux autres particularités : elle a été une pionnière du féminisme oriental, portant haut l’étendard de la libération des femmes. Elle fut aussi, pendant 19 ans, le grand amour du poète libanais Khalil Gibran, alors exilé aux Etats-Unis. Un amour purement épistolaire et platonique, puisqu’ils ne se rencontrèrent jamais…
Mais une telle icône ne pouvait connaître qu’un destin tragique. Frappée, en à peine trois ans, par la mort de son père adoré, de sa mère, et surtout de Gibran, elle sombre dans une profonde dépression. Profitant de sa fragilité, ses cousins font main basse sur sa fortune, plaçant May sous tutelle en même temps qu’ils l’enferment dans un hôpital psychiatrique au Liban. Pendant de longs mois, la jeune femme y subira de mauvais traitement, dans un isolement quasi-total. Ce n’est qu’au prix de combats judiciaire, médiatique et politique colossaux que ses rares amis restés fidèles parviendront à l’extraire de cet enfer et à la faire revenir au Caire. Affaiblie physiquement, blessée moralement, May ne se remettra jamais vraiment de cette épreuve, malgré sa réhabilitation en tant que « saine d’esprit » et les multiples hommages dont elle fera l’objet. Elle mourut en 1941, à l’âge de 55 ans.
Ce petit livre (144 pages) relate dans les grandes lignes et à traits un peu grossiers la vie de May Ziadé. Très moyen par sa qualité littéraire (style plat qui ne restitue pas les émotions, multitude de références à des contemporains de May mais sans détails, au point qu’on s’y perd, et une foule de coquilles dans l’édition numérique), il vaut cependant comme portrait de femme, et permet de découvrir (en tout cas pour moi) une figure importante du féminisme et de la littérature arabe d’il y a un siècle.
Un mot sur l’auteur : Darina Al Joundi établit un parallèle entre sa vie et celle de May Ziadé : toutes deux éprises de liberté, toutes deux écrasées par la volonté des hommes, deux survivantes (pour plus d’informations, lire l’autobiographie de Darina Al Joundi, Le jour où Nina Simone a cessé de chanter).
En partenariat avec les éditions Grasset, via le réseau NetGalley.
Présentation par l’éditeur:
« Il fait nuit. Seule dans sa chambre, Marie recherche la signification de ce nom : May… ainsi se nomment les fées de la poésie arabe. Il vient de Perse et signifie le vin. Marie est folle de joie. Elle a enfin trouvé un patronyme qui lui ressemble. May Ziadé vient de naître. »
1920 au Caire. Dans les cafés et les salons, les grands esprits du temps se rencontrent et parlent librement. Parmi eux : May Ziadé. Poétesse, féministe engagée et muse de Khalil Gilbran, l’auteur du Prophète. Une femme intense qui fascine autant qu’elle inquiète. Sans doute trop pour ses amis et ses proches, qui la feront interner dans un asile psychiatrique…
Prisonnière du Levant est son histoire, racontée par Darina al Joundi, comédienne et scénariste. Elle-même féministe, Darina a voulu accomplir son destin de femme et, comme son héroïne May, elle a vécu l’enfermement avant de se libérer.