vendredi , 1 novembre 2024

Effondrement

Auteur: Horacio Castellanos Moya

Editeur: Métailié (Suites) – 2018 (192 pages)

Lu en juillet 2018

Mon avis: « Effondrement » commence par une scène de ménage d’anthologie.
Nous sommes au Honduras en 1963, dans une famille bourgeoise aisée et bien comme il faut. C’est le jour du mariage de Teti, 25 ans, fille unique des Mira Brossa.
Mais quel peut donc bien être l’objet de la dispute, dans ce milieu feutré ? Le mariage lui-même, pardi ! Teti va épouser Clemente, deux fois son âge, divorcé, salvadorien et, last but not least, communiste. C’en est trop pour Doña Leña, la mère, qui refuse d’assister à cet événement proprement scandaleux qui jette la honte sur son nom et la réputation de la famille. Et comme cela ne suffit pas, elle décide que Don Erasmo, son mari, accessoirement père de la mariée, avocat et président du parti nationaliste hondurien, n’y assistera pas non plus. Ni une ni deux, Doña Leña l’enferme dans la salle de bain. S’ensuivent des dialogues d’une drôlerie et d’une violence inouïes, menés par une harpie enragée, paranoïaque, hystérique et asphyxiante. C’est tendu et jouissif.
Nous sommes ensuite en 1969, au Salvador, où Teti et son mari ont déménagé juste après leur mariage pour échapper à l’emprise de Doña Leña. Pourtant, la sérénité n’est pas de mise : la situation entre les deux pays est électrique, et la relation mère-fille est à peine plus calme. Pendant que la guerre se prépare de chaque côté de la frontière, celle des Mira Brossa n’a jamais cessé. A travers les lettres échangées par Teti et son père, on apprend que Doña Leña, toujours aussi hystérique, harcèle sa fille pour qu’elle rentre au pays en raison du contexte politique de plus en plus compliqué, tout en la traitant de façon odieuse. Malgré l’assassinat de Clemente dans des circonstances étranges, la candide Teti résiste. C’est un peu moins tendu, un peu moins jouissif, un peu plus dramatique.
Nous sommes enfin en 1991, au Honduras, dans la propriété de Doña Leña, désormais vieille, veuve, isolée, et hystérique comme jamais. Un des domestiques, Mateo, retrace le fil des événements de la dernière décennie, au cours de laquelle Doña Leña, perfide vipère jusqu’au bout, aura fait le vide autour d’elle, provoquant la dispersion du patrimoine familial et l’éparpillement définitif des derniers Mira Brossa. C’est encore un peu moins tendu, plus dramatique, et surtout plus triste.

Trois parties, trois genres, du théâtre de vaudeville, du roman épistolaire, et du roman plus classique et linéaire. La tension baisse au fil du temps, mais on ne va pas vers l’apaisement. On assiste à un effondrement progressif et inexorable d’une famille et d’une femme qui aura causé sa propre perte au cours d’une vie vouée au ressentiment, aux frustrations, à la méchanceté et, à nouveau, à l’hystérie. La triste fin de Doña Leña, riche mais seule et sans amour, contraste avec la joie simple de Mateo, son domestique, tout heureux de fêter en famille son petit héritage.
Chronique d’une vie gâchée à pourrir celle des autres, « Effondrement » dresse un portrait mordant de la classe possédante hondurienne, avec en toile de fond l’un des innombrables épisodes de violence qui ont secoué l’Amérique centrale.
Castellanos Moya construit une oeuvre dans laquelle il observe les névroses d’individus coincés dans des sociétés tourmentées par des conflits en tous genres. « Effondrement » en est une nouvelle pièce maîtresse.

En partenariat avec les éditions Métailié.

Présentation par l’éditeur:

Crise d’hystérie chez les Mira Brossa. Doña Lena enferme son mari Erasmo dans la salle de bains pour l’empêcher de se rendre au mariage de leur fille Teti avec Clemente, vingt-cinq ans de plus qu’elle, communiste, salvadorien, mariage qui conduit tout droit selon elle à la destruction de leur famille, de leur réputation et peut-être même du pays tout entier dévoré par la fureur nationaliste.

Castellanos Moya excelle dans toutes les formes de la rage et de la colère, on le lit avec une joie méchante qui donne de l’énergie.

Evaluation :

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Un commentaire

  1. Une mégère pas apprivoisée du tout et un roman plutôt inhabituel !