jeudi , 21 novembre 2024

Le partage des eaux

Auteur: Alejo Carpentier

Editeur: Gallimard – 1956 /Folio – 1976 (373 pages)

Prix du Meilleur Livre Etranger 1956

Lu en mai 2024

Mon avis: Le narrateur, un musicologue aux origines latino-américaines, se morfond dans sa vie d’intello new-yorkais, pleine de bruit, de superficialité, de vide. Entre son épouse comédienne qu’il croise une fois par semaine et sa maîtresse qu’il n’aime pas vraiment, il cherche un sens à sa vie.

Désœuvré, il accepte une mission qui lui est confiée par un directeur de musée : partir au fond de l’Amazonie pour en rapporter des instruments de musique primitifs. Notre homme n’est pas très emballé, mais puisque tous les frais sont payés, il décide d’y aller avec sa maîtresse pour profiter de l’excursion, quitte à acheter des répliques des instruments chez le premier brocanteur qu’il trouvera.

Mais à peine débarqué dans la capitale (qui ressemble furieusement à Caracas), le couple doit fuir la ville et le putsch qui vient d’éclater. Les voilà réfugiés à la campagne et, à force d’ennui, le narrateur se détache progressivement de sa maîtresse et de ses futilités, pour s’attacher de plus en plus sérieusement à sa quête d’instruments authentiques.

Au fil d’un périple au cours duquel il s’enfonce de plus en plus loin dans la jungle et y rencontre les indigènes, il se dépouille du superflu de la civilisation et de la culture pour approcher la Nature, le vrai, le beau, l’authenticité.

« Le partage des eaux » est un voyage physique et métaphysique, dans l’espace et dans le temps, au sens où le narrateur découvre un mode de vie qui n’a guère changé depuis les origines du monde, et qui le séduit d’autant plus qu’il semble en opposition totale avec celui dans lequel il végète depuis si longtemps à New York.

Dans le titre original (« los pasos perdidos »), le mot « pasos » se traduit à la fois par « pas » et « passages » perdus, ce qui reflète bien le cheminement indécis du narrateur sur la frontière finalement très floue entre Nature et culture, entre essentiel et confort, entre liberté primitive et carcan moderne.

Foisonnant, caribéen, pétri de références musicales, littéraires, bibliques, ce roman érudit aux accents mythiques voire mystiques, nous embarque dans un questionnement sur les contradictions et les impossibilités des aspirations humaines, le rêve d’une autre vie, les chances que l’on saisit, ou pas.

Présentation par l’éditeur:

Fuyant New York et la civilisation, un musicien gagne la forêt vierge du Venezuela. Ainsi commence une série d’aventures fabuleuses d’où s’élèvent, comme d’une symphonie, les grands thèmes de New York, de la Forêt, de l’Eau, de la Révolution…

Une citation:

– … d’après elle [Rosario, une Indienne d’Amazonie], le mariage, le lien légal, enlève tout recours à la femme si elle veut se défendre contre l’homme. L’arme de la femme devant son compagnon dévoyé est la faculté de l’abandonner à tout moment, de le laisser seul, sans qu’il ait le moyen de faire valoir aucun droit. L’épouse légale est pour Rosario une femme que l’on peut envoyer chercher par des gardes, lorsqu’elle abandonne la maison où le mari a intronisé le dol, les sévices ou les désordres de l’ivresse. Se marier, c’est tomber sous le poids de lois faites par les hommes et non par les femmes. Dans une union libre, en revanche, affirme Rosario sur un ton sentencieux, « l’homme sait qu’il dépend de son comportement d’avoir quelqu’un pour lui faire plaisir et s’occuper de lui ».

Evaluation :

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