mardi , 10 décembre 2024

Pleines de grâce

Auteur: Gabriela Cabezón Cámara

Editeur: Editions de l’Ogre – 2020 (201 pages)/ Editions 10/18 – 19 août 2021 (192 pages)

Lu en août 2021

Mon avis: Qüity est une jeune journaliste des beaux quartiers de Buenos Aires, mais qui connaît bien le terrain et l’ultra-violence des bidonvilles. Elle pense tenir le reportage de l’année quand elle se rend à El Poso, l’une de ces « villas miserias », pour y rencontrer Cleopatra, une travestie qui a renoncé à la prostitution après que la Vierge lui soit apparue. Et qui, sur les prières de celle-ci, a décidé de transformer El Poso, si pas en paradis, en quelque chose qui ressemble un peu moins à un enfer sur terre. Sous les bannières de sa toute nouvelle foi et avec son charisme, Cleopatra, promue reine de cette cour des miracles, entraîne tous les habitants, y compris les délinquants et les prostituées, dans un projet de communauté autonome. Un projet utopique qui attire l’œil des anthropologues, des ONG et des médias, et donc celui de Qüity, qui tombe amoureuse de Cleopatra.

Mais El Poso, géographiquement trop proche d’une banlieue chic qui ne demande qu’à s’agrandir, ne va pas tarder à être rasé par les bulldozers de la mairie, dans un mélange de corruption et d’expulsions manu militari, jusqu’à ce que mort s’ensuive si nécessaire. Et cela le sera, nécessaire. Un vrai massacre.

Qüity et Cleopatra s’en sortent vivantes, mais pour leur sécurité, elles s’enfuient à Miami, d’où elles nous racontent leur histoire, à deux voix.

Comme sa couverture (édition de poche), « Pleines de grâce » est un roman au style baroque flamboyant, un récit à la limite de la logorrhée et à la chronologie éclatée. Mélangeant l’argot des bidonvilles et le phrasé châtié de la Vierge (qui s’exprime comme « une Espagnole médiévale »), il oscille entre tragique et burlesque, mettant en scène des personnages complexes aux prises avec la misère et la violence des gangs, de la police, des milices privées. Pour seule échappatoire, on fait la fête, une débauche de musique, de danse, d’alcool et de nourriture, de drogue, de sexe, avant d’aller peut-être se faire tuer au petit matin au coin de la rue.

Avec du bruit et de la fureur, de l’amour et de la mort, souffrance, haine et nostalgie, ce roman me laisse perplexe. Je ne sais pas s’il veut dénoncer, provoquer, conscientiser, peut-être un peu tout ça. En tout cas le style en partie cru et vulgaire (même si c’est cohérent dans le contexte) m’a plutôt écœurée. Et si Cleopatra est attachante, ce n’est pas le cas de Qüity, plus ambiguë. L’ensemble m’a semblé un peu inabouti, sans message clair : que penser de ces deux personnages qui deviennent richissimes à Miami après la création d’un opéra-cumbia racontant l’épopée d’El Poso ? Auto-dérision, dénonciation d’une hypocrisie ultime ? Curieux roman endiablé que ce « Pleines de grâce »…

En partenariat avec les Editions 10/18 via Netgalley.

#Pleinesdegrâce #NetGalleyFrance

Présentation par l’éditeur:

Une journaliste et une ex-prostituée travestie qui voit la Vierge tentent de transformer un bidonville argentin en communauté autonome.

Le jour où Qüity, ambitieuse journaliste de Buenos Aires, entend parler de Cleopatra, une travestie qui a renoncé à la prostitution à la suite de l’apparition de la Vierge Marie, elle se dit qu’elle tient le sujet de l’année. Mais sa vie va radicalement changer quand elle va se trouver irrésistiblement attirée par l’objet de son article, la captivante Cleo, et se faire embarquer dans le projet fou de cette dernière : transformer son bidonville d’El Poso en une communauté autonome, avec l’aide d’une armée de putes, de trafiquants et de voleurs…
Dans ce roman intense, Gabriela Cabezón Cámara réussit à exprimer l’épopée cachée de tant de vies anonymes qui, défiant la logique imposée par l’ordre établi, inventent de nouvelles façons de vivre, en couple, en famille et en communauté.

Evaluation :

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