mardi , 3 décembre 2024

Une datcha dans le Golfe

Auteur: Emilio Sánchez Mediavilla

Editeur: Métailié – 6 mai 2022 (228 pages)

Prix Anagrama de Reportages Sergio González Rodríguez 2019

Lu en avril 2022

Mon avis: Au dernier classement de la liberté de la presse de Reporters sans Frontières, Bahreïn pointe au rang 167 sur 180.
L’auteur, qui y a vécu pendant deux ans aux alentours de 2014-2016, s’est bien gardé de brandir sa carte de presse en débarquant dans ce tout petit royaume (de la taille de l’île de Minorque) du Golfe Persique. Il y rejoignait sa compagne, affectée à Bahreïn pour raisons professionnelles.
Pendant qu’elle travaillait, notre homme visitait le pays, discutait avec ses habitants et les expatriés et en tirait suffisamment de matière pour écrire ce livre, qui se situe quelque part entre chronique de voyage et reportage.
On y découvre, en même temps que lui qui en ignorait à peu près tout, que Bahreïn est un pays dont 85% de la population est chiite, mais qui est gouverné par une monarchie (tendance absolutiste) sunnite, situé à une encablure de l’Arabie Saoudite et en face de l’Iran de l’autre côté du Golfe. C’est aussi une terre riche en ressources pétrolifères, et le premier pays musulman à avoir dépénalisé l’homosexualité. Les expatriés occidentaux s’y sentent comme des coqs en pâte, les travailleurs immigrés du sud-est asiatique beaucoup moins, esclaves modernes exploités par des employeurs abusifs qui confisquent leur passeport la plupart du temps.
Malgré sa relative tolérance religieuse (la plus avancée du Golfe), Bahreïn est loin d’être le paradis de la liberté d’expression ou de la démocratie. En témoignent certains courants rigoristes wahhabites et chiites, la répression féroce du Printemps arabe local par les autorités (avec l’appui du « bienveillant » du voisin saoudien), les discriminations institutionnalisées dont les chiites sont victimes, la corruption endémique.

D’anecdotes personnelles en informations sur la géopolitique et l’histoire du pays et de la région, sur l’impact de la construction des îles artificielles, sur le sectarisme religieux et les tensions sociales ou sur les efforts de communication (de propagande) du régime pour redorer son blason après 2011 en attirant les célébrités occidentales, l’auteur nous livre avec humour et humanisme, intelligence et lucidité, un portrait très instructif et agréable à lire de Bahreïn, ce petit pays… contrasté (euphémisme).

En partenariat avec les Editions Métailié.

Présentation par l’éditeur:

Lire ce livre, c’est boire un verre dans un bar avec un inconnu intéressant. C’est l’histoire d’un journaliste qui a vécu à Bahreïn mais n’était pas censé y aller. Il raconte son voyage, avec l’étonnement du premier regard, puis avec la profondeur d’un bon chroniqueur : des détails les plus simples (et pourtant invraisemblables), comme la recherche d’une maison à louer, aux histoires intimes de la répression politique des pays du Golfe. 
La voix de l’auteur, sérieuse et profonde quand il faut, mais aussi candide, drôle et subjective, se balade entre la finesse du regard et humour, loin de la pose du vaillant reporter qui a tout vu et tout vécu. On le suit et on l’écoute nous décrire les subtilités géopolitiques du Moyen-Orient ou les visites rocambolesques de Michael Jackson et Kim Kardashian, les manifestations de 2011, ou la construction des îles artificielles faramineuses par une population d’esclaves modernes.
Avec le meilleur du récit de voyage et du le reportage, ce texte humaniste nous étonne et rend passionnant un sujet qui ne nous aurait pas intéressé si on n’avait pas rencontré au bar ce type sympa et captivant.

Une citation:

– Le jeune Egyptien me rappelle ce guide américain juif qui, à Jérusalem, avait employé toute son ingéniosité à se gausser du récit musulman sur l’origine mythique de l’esplanade des mosquées. L’emphase avec laquelle un être profondément religieux démonte les croyances surnaturelles de l’autre foi me semble un signe incontestable de folie. Le moins qu’on puisse exiger d’un crédule, c’est une complicité avec les chimères d’autrui. Quand on croit aux fantômes, on ne peut pas rire des histoires de zombis.

Evaluation :

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2 commentaires

  1. J’ai beaucoup apprécié ce livre qui n’est pas trop journalistique. L’auteur ne fait pas l’autruche mais reste bienveillant. Il y a des passages assez drôles aussi