Auteur: Sébastien Ministru
Editeur: Grasset – 2018 (160 pages)
Lu en février 2019
Mon avis: Le père, le fils. Entre les deux, pas d’épouse, pas de mère, elle est partie trop tôt, morte de maladie lorsque le fils était encore enfant. Depuis lors, et cela fait longtemps puisque Antoine a maintenant près de 60 ans, il n’y a pas eu grand-chose pour relier les deux hommes, qui vivent dans des mondes parallèles, avec bien peu de points communs. Antoine est directeur de presse, peu apprécié dans le métier, est cultivé, raffiné même, homosexuel, en couple avec Alex, un artiste-peintre. Un couple heureux mais sans passion, alors Antoine s’autorise de temps à autre à recourir à un escort. Il s’occupe aussi de son père, surtout de son intendance, en fait : il lui fait ses courses, lui rend visite, lui téléphone pour s’assurer qu’il a bien éteint le gaz. Et le père, s’est-il jamais occupé de son fils ? Il l’a sans doute nourri, logé, blanchi et lui a payé ses études, mais pour la tendresse, l’affection, la chaleur humaine, ce n’était pas dans ses cordes. La faute à qui, à quoi ? A une frustration d’enfant jamais digérée, lui le jeune berger sarde à qui son père avait interdit d’aller à l’école parce qu’il fallait bien que quelqu’un s’occupe des chèvres ? À une blessure d’amour causée par un veuvage précoce ? Toujours est-il que la relation entre eux est faite d’incommunicabilité. Ils ne se sont jamais compris. En fait ils ne se sont jamais vraiment parlé, encore moins écoutés. Aujourd’hui, le père d’Antoine est un vieillard analphabète, grossier, tyrannique, qui collectionne les dépliants publicitaires pour que son fils lui en fasse la lecture. Alors quand un beau jour, il demande à Antoine de lui apprendre à lire, c’est la surprise, l’incompréhension, la réticence. Antoine finit par accepter, et par renoncer presque aussi vite, découvrant qu’il n’a pas une once de fibre pédagogique. C’est lors de l’un de ses rendez-vous tarifés qu’il trouve la solution, son escort du jour étant par ailleurs un étudiant qui cherche à arrondir ses fins de mois sans trop d’états d’âme. Le prostitué qui s’improvise professeur d’alphabétisation, la recrue est aussi inattendue qu’elle s’avère efficace, instaurant en prime une sorte de complicité latente entre ces trois personnages.
Drôle de relation triangulaire (avec quand même Alex, la quatrième patte du trépied), dans laquelle un père et fils apprennent sur le tard à se lire l’un l’autre. Sincèrement, j’aurais voulu aimer ce roman de tout mon cœur, mais il ne m’a pas touchée autant que ce que j’attendais. Le style est impeccable, l’histoire n’est même pas improbable, l’humour est présent, les thèmes sont intéressants: la relation père-fils chaotique, la transmission à l’insu de son plein gré (Antoine qui a toujours tout fait pour que sa vie ne ressemble pas à celle de son père et qui réalise à 60 ans qu’ils ont le même sale caractère), l’impact d’une blessure d’enfance. Mais les personnages ne sont guère attachants, à la limite du stéréotype, et l’ensemble me laisse un goût amer, avec cette relation qui n’aura pas le temps de se (re)construire, la froideur et le détachement dans le ton, et surtout l’amour aux abonnés absents, ou à tout le moins qui ne parvient pas à s’exprimer (à temps). Dire aux gens qu’on les aime avant qu’il soit trop tard…
#LisezVousLeBelge
Présentation par l’éditeur:
Approchant de la soixantaine, Antoine, directeur de presse, se rapproche de son père, veuf immigré de Sardaigne voici bien longtemps, analphabète, acariâtre et rugueux. Le vieillard accepte le retour du fils à une condition : qu’il lui apprenne à lire. Désorienté, Antoine se sert du plus inattendu des intermédiaires : un jeune prostitué aussitôt bombardé professeur. S’institue entre ces hommes la plus étonnante des relations. Il y aura des cris, il y aura des joies, il y aura un voyage.
Le père, le fils, le prostitué. Un triangle sentimental qu’on n’avait jamais montré, tout de rage, de tendresse et d’humour. Un livre pour apprendre à se lire.
Quelques citations:
– Mais à quoi ça va te servir de savoir lire ?
– A quoi ça va me servir ? Mais à lire. Peut-être que lire, ça fait mourir moins vite.
– Pourtant, quand tu ne rentrais pas le soir, c’est avec elle que tu trompais maman.
– Et alors? C’est pas parce qu’on est infidèle à une femme qu’on aime celle avec qui on la trompe.