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Comment tout a commencé

Auteur: Philippe Joanny 

Editeur: Grasset – 16 janvier 2019 (256 pages)

Lu en janvier 2019

Mon avis: En 1979, le narrateur a onze ans. Il vit avec ses parents, à Paris, dans l’hôtel dont sa mère est propriétaire et gérante. La vie n’est pas folichonne : Annick (la mère) est exigeante, colérique, complexée par son surpoids, ne cesse de se plaindre et n’offre pas beaucoup de chaleur humaine. Gérard, le père, est employé des Postes, bête, moche et méchant, et en plus, coureur de jupons. Les deux se détestent depuis le début de leur mariage, ou presque, mais sont toujours ensemble.
Un jour la police débarque à l’hôtel et emmène Annick, soupçonnée de proxénétisme. Elle sera relâchée quelques heures plus tard, mais cet événement est fondateur pour le narrateur, puisqu’il marque la fin de son enfance (dixit la 4ème de couverture). Et de fait, en quelques mois, quelques années, son univers évolue. Il comprend qu’il est différent et qu’il doit cacher son homosexualité, d’autant plus avec l’apparition du sida (ce « cancer gay »), dont le mode de transmission est encore très mal connu à l’époque, et qui suscite des poussées d’homophobie à l’échelle mondiale. Marqué par le battage médiatique autour de ce virus, le garçon n’arrive pas à imaginer son avenir autrement que malade et mourant. Et puis il y a Mitterrand qui déboule, ses promesses qui ne sont pas tenues, et la montée en puissance d’un certain Jean-Marie le Pen, adulé par Gérard. Pendant ce temps, le narrateur (dont le prénom n’est cité qu’une seule fois : Philippe. Avec la question de savoir dans quelle mesure ce roman est autobiographique ?), le narrateur, disais-je, voudrait voir la vie en rose dans les bras de son pote Sami ou du bel éphèbe du cours de gym, mais il doit se contenter de la voir en gris béton, moqué à la maison et à l’école, lui qui n’aime pas le sport et passe son temps à rêvasser.
J’ai eu du mal à m’intéresser à ce roman qui dépeint une tranche de vie, une époque. L’ambiance est pesante, aucun optimisme. Il ne s’y passe pas grand-chose, à part l’arrestation d’Annick au début (et encore, malgré qu’elle soit présentée comme l’élément déclencheur de la vie adulte du narrateur, on ne comprend pas très bien en quoi. Quel rapport avec la découverte de son homosexualité quelques mois plus tard ?), et l’achat d’un pavillon en banlieue (mais la vente a-t-elle eu lieu ? si oui, pourquoi ne s’y sont-ils pas installés après plusieurs années ?) Bref, des choses sont posées puis laissées en route. Evidemment, le thème, c’est l’homosexualité du narrateur et la façon dont il se débat avec ce qu’il est. Mais pour moi, ça manque de consistance, et parfois de crédibilité. Les personnages sont assez caricaturaux et peu développés pour les secondaires (et c’est dommage, il y avait matière), le style n’a rien de particulier. Et surtout, je n’ai pas compris sur quoi cela débouche, puisque la fin est à peine différente du début. le narrateur se pose beaucoup de questions mais ne donne pas l’impression qu’il va en chercher les réponses. Dépeindre une « période charnière », je veux bien, mais cela suppose une transition vers un changement, et là, je reste sur ma faim.

En partenariat avec les éditions Grasset via Netgalley.

Présentation par l’éditeur:

Paris, rue d’Austerlitz, 1979. A l’Hôtel de Bourgogne, la vie s’écoule, rythmée par les allées et venues des clients, des voisins, des employées : M. Boulanger, occupant à vie de l’hôtel, Maria, femme de chambre épouse d’un braqueur, les filles qui tapinent au coin de la rue, Jacky, barman au célèbre cabaret de travestis Chez Michou…
Complexée par son poids, colérique, Annick tient comme elle peut son hôtel et son mari, Gérard, une brute alcoolique et raciste qui baise tout ce qui bouge. Sans oublier ses enfants, Rémi et puis l’aîné, qu’elle surnomme Jean de la Lune. Celui-là n’est pas le fils espéré, toujours ailleurs, pas dans les clous, ce garçon qui rêve de devenir majorette…
Un mercredi de septembre, à l’heure du déjeuner, la police embarque la patronne pour proxénétisme. Il voit sa mère monter dans le panier à salade. C’est le déclic. La fin de l’enfance. Son père, devenu groupie de Jean-Marie Le Pen, le fils le hait si fort qu’il souhaite et planifie sa mort.
Comment faire lorsqu’on découvre que l’on n’est pas dans la norme virile imposée et qu’au même moment l’homosexualité devient synonyme du « cancer gay », le sida ? Comment affronter l’homophobie de l’époque ? Comment se construire quand on ne se demande pas ce que sera sa vie, mais à quoi ressemblera sa mort ?
La peinture émouvante et terrible d’une période charnière, dont les drames croisent ceux d’une adolescence pas comme les autres. Et une bouleversante voix d’enfant, sa mue poignante et, malgré tout, vitale.

Evaluation :

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2 commentaires

  1. Le monde est parfois bête, moche et méchant alors l’optimisme n’est pas de mise. Il y a du Baudelaire dans cette façon de voir…