mardi , 8 octobre 2024

Et Nietzsche a pleuré

Auteur: Irvin D. Yalom

Editeur: Le Livre de Poche – 2010 (512 pages)

Lu en juillet 2013

et nietzscheMon avis: Nous voici à Vienne en automne 1882, à l’aube de la psychanalyse. Ceci est une fiction, mais dont les personnages ont existé : la jeune et fatale Lou Salomé force la main du Dr Josef Breuer, éminent médecin, pour qu’il s’occupe du « cas » de Friedrich Nietzsche. Celui-ci a une santé fragile, pour ne pas dire précaire, tant physiquement que mentalement, et, ce qui complique les choses, un caractère qu’on qualifierait aujourd’hui d’imbuvable. Son état inquiète son entourage, qui met secrètement au point un stratagème consistant à amener Nietzsche à consulter le Dr Breuer de sa propre initiative.
La partie d’échecs mentale peut alors commencer entre ces deux esprits brillants, Breuer feignant le désespoir pour amener Nietzsche à se confier, mais se prenant à son propre jeu. On observe l’un mettant en place « in vivo » les bases de la « cure par la parole », l’autre testant les prémices de sa pensée philosophique. Qui manipule qui, qui est le cobaye ? Lequel guérira l’autre ?
A la recherche d’un roman dont le nom de l’auteur commencerait par Y (pour le Challenge ABC de Babelio), voilà que je tombe à la librairie sur les livres de I. Yalom. Au hasard, je choisis Et Nietzsche a pleuré. Je l’ai entamé avec un peu d’appréhension, craignant que les considérations sur la philo et la psychanalyse ne soient trop ésotériques pour la commune mortelle que je suis. Fi donc de ces alarmes inutiles ! A mon grand étonnement, ces pages se sont révélées tout à fait lisibles, et même réellement captivantes. Ce n’est sans doute pas idéal pour une lecture de plage ou de métro (surtout si dans votre wagon se trouve un groupe de scouts en partance pour le camp ou un violoneux écorchant « La chanson de Lara »), mais l’analyse et les descriptions psychologiques sont fines et intelligentes (le contraire serait un comble, l’auteur étant psychiatre). Ce livre m’a interpellée à plusieurs reprises (cf les citations que j’en ai extraites). Il m’a renvoyé sa question centrale, celle du libre choix de sa propre vie. Il m’a permis aussi d’aborder la pensée de Nietzsche d’une façon non rébarbative, d’explorer le fonctionnement tortueux du mental.
Au final, c’est drôlement intéressant (même si l’humour n’est pas si présent que ça), au point de me donner envie de lire d’autres livres de Yalom. C’est une lecture largement abordable, sauf si les mots « philosophie » ou « psychanalyse » provoquent chez vous larmes et hystérie…

Présentation par l’éditeur:

Venise, 1882. La belle et impétueuse Lou Salomé somme le Dr Breuer de rencontrer Friedrich Nietzsche. Encore inconnu du grand public, le philosophe traverse une crise profonde due à ses relations orageuses avec Lou Salomé et à l’échec de leur ménage à trois avec Paul Rée. Friedrich Nietzsche ou le désespoir d’un philosophe. Le Dr Breuer, l’un des fondateurs de la psychanalyse. Un pacte secret, orchestré par Lou Salomé, sous le regard du jeune Sigmund Freud. Tout est là pour une magistrale partie d’échecs entre un patient extraordinaire et son talentueux médecin. Mais qui est le maître ? Qui est l’élève ? Qui soigne qui ? Et c’est à une nouvelle naissance de la psychanalyse, intense, drôle et machiavélique, que nous convie Irvin Yalom.

Quelques citations: 

– Mourir est une chose difficile. J’ai toujours considéré que le privilège des morts est de ne plus mourir!

– Allons, disséquez encore un peu plus vos raisons profondes! Vous découvrirez que personne n’a jamais, jamais, agi entièrement pour les autres. Tout acte est dirigé vers soi, tout service ne sert que soi, tout amour n’aime que soi. (…) Vous paraissez surpris par mes propos? Peut-être songez-vous aux êtres que vous aimez. Creusez plus profondément, et vous verrez que vous ne les aimez pas. Ce que vous aimez, ce sont les petites sensations agréables qu’un tel amour suscite en vous! Vous aimez le désir, et non l’être désiré.

– On se lasse toujours du même plat… tu sais, Josef, pour chaque belle femme sur cette terre, il y a aussi un pauvre type qui en a marre de se la farcir!

– Il faut porter du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse.

– Ne pas s’emparer du cours de sa vie, c’est réduire l’existence à un simple accident.

– Vivez pleinement la vie! L’horreur de la mort disparaît dès lors que l’on meurt en ayant vécu jusqu’au bout! Si vous ne vivez pas au bon moment, alors vous ne mourrez jamais au bon moment non plus.

– Friedrich a raison, pensa-t-il, lorsqu’il dit: « Ne pas faire d’enfants avant d’être prêt à être un créateur et à engendrer des créateurs. » C’est une erreur que de faire des enfants par nécessité, d’utiliser l’enfant comme un rempart à sa propre solitude, d’assigner un but à sa vie en reproduisant une simple copie de soi-même. Erreur, également, de chercher l’immortalité en crachant sa semence vers l’avenir, comme si elle contenait notre conscience!

– Je voulais simplement dire que la relation de couple idéale n’existe que lorsqu’elle n’est pas nécessaire à la survie des deux personnes liées. (…) Pour établir une relation entière avec autrui, il faut d’abord établir une relation avec soi-même. Si nous sommes incapables d’affronter notre propre solitude, nous ne faisons qu’utiliser les autres comme des boucliers.

Evaluation :

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4 commentaires

  1. Je suis conquise. Effectivement les citations donnent à penser. Remarque, les tiennes sur le métro m’ont également fait réagir, on sent le vécu ! Un livre à ne pas emmener à la plage mais à déguster bien calée dans son fauteuil. Merci pour ce partage.

  2. Je l’ai lu lorsqu’il était sorti en poche; je ne me souviens plus de tout mais j’avais aimé même si je l’avais trouvé parfois un peu longuet. Par contre, c’est vrai, cela permet d’aborder un peu Nietzsche – ce qui ne serait pas une mince affaire sinon.