Auteure: Brigitte Reimann
Editeur: Métailié – 14 février 2025 (192 pages)
Lu en janvier 2025
Mon avis: RDA, 1961. Elisabeth, artiste-peintre de 24 ans, apprend que son frère Uli, 25 ans, veut passer à l’Ouest. Elle, la fervente adepte de l’idéologie communiste, n’a que 48 heures pour tenter de l’en dissuader.
Elle demande l’aide de son fiancé, Joachim, lui aussi communiste convaincu.
Elisabeth, narratrice, livre le déroulement de ces deux jours en entrecoupant son récit de flash-backs dans lesquels il est question de leur enfance, de leur jeunesse, de la guerre, de la division de l’Allemagne, de leur frère aîné Konrad parti à l’Ouest depuis plusieurs années.
Et bien sûr, il y a la confrontation des idées et des convictions, les entêtements irréductibles.
« Une fratrie » a été publié en RDA en 1961, dans une version censurée. Le manuscrit original a été retrouvé par hasard en 2021, et c’est ce texte intégral qui est publié ici pour la première fois.
Vu d’aujourd’hui, les arguments d’Elisabeth et Joachim peuvent sembler naïfs, candides, difficiles à prendre au sérieux, tant on sait ce qu’il est advenu de l’utopie communiste.
Il n’empêche que cette perspective est intéressante, vu que (me semble-t-il) peu de romans ont relaté « en direct » la division de l’Allemagne du point de vue est-allemand, du point de vue concret d’une famille elle aussi divisée.
Inspiré de ce que l’auteure elle-même a vécu dans sa jeunesse, « Une fratrie » parle donc d’individualisme et de collectivisme, de liberté et de soumission, des répercussions de la division d’un pays sur les individus et les familles. Le ton est incisif, parfois pince-sans-rire, mais au final j’ai trouvé que le débat d’idées occupait trop peu de place. La trame est encombrée de trop de sauts temporels, et de digressions dont je n’ai pas vraiment perçu l’intérêt. Notamment le long épisode où Elisabeth raconte à son frère ses déboires avec un artiste-peintre plus âgé, qui paradoxalement apporte de l’eau au moulin d’Uli, tant il démontre les incohérences du communisme. Enfin, si j’ai bien compris, parce que le propos est parfois elliptique. Par ailleurs, la relation entre le frère et la soeur, très fusionnelle, provoque parfois le malaise. Et il est dommage que la postface ne soit pas plus détaillée et n’explique pas ce qui distingue les versions censurée et intégrale.
En partenariat avec les Editions Métailié.
Présentation par l’éditeur:
L’œuvre de Brigitte Reimann – à l’instar de celle de Christa Wolf – est considérée comme un classique de la littérature est-allemande. Son roman Une fratrie, publié en RDA en 1963, déclencha de vives discussions aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, même si c’était une version censurée par la Stasi.
Brigitte Reimann meurt en 1973 et le manuscrit original du roman n’est jamais retrouvé. En 2021, à la faveur de travaux effectués dans la maison qu’occupait Reimann, il est découvert par hasard dans un placard dissimulé. Voici donc le texte intégral publié pour la première fois en France de cette œuvre majeure de la littérature allemande.
Une fratrie raconte avec puissance, élégance et un humour pince-sans-rire l’histoire de la jeune peintre Elisabeth qui apprend en 1961 que son frère préféré, Uli, veut s’installer à l’Ouest.
Elle, qui travaille comme d’autres artistes par ordre de l’État dans les usines pour sortir de l’élitisme et amener la culture aux classes travailleuses, refuse d’admettre que chacun puisse vivre selon ses propres aspirations et ne pas contribuer à la construction socialiste. Elle ne dispose que de deux jours pour convaincre son frère de ne pas partir.
Profond, saisissant, drôle, ce roman a l’ambiance d’une pièce de théâtre intense – digne d’un drame familial de Henrik Ibsen ou d’Arthur Miller – avec des dialogues féroces sur la politique et l’art et, finalement, le désir de changement, le destin des idéaux et des étreintes brisées.
Un chef-d’œuvre de la littérature allemande.
